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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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peut-être étaient-ils à l’affût au haut
de l’escalier, les hommes eux-mêmes les craignaient.
    — Elle vit avec un type de la Milice, reprenait
Alexandre, un adjoint de Darnand, Tricoux, un cagoulard qui en 37…
    Il se tournait vers nous :
    — Vous ne jouez pas, les enfants ?
    Il ouvrait la porte sur le jardin.
    — Il ne pleut plus, courez un peu.
    Nous sortions lentement, nous revenions nous coller à la
porte parce que la nuit montait de la ville, qu’ils parlaient des loups, de
cette guerre qui n’était pas qu’un jeu.
     
    Un soir, rentrant du port avec mon père, je portais les deux
cannes à pêche et il m’expliquait comment, pendant l’autre guerre, sur les
côtes de Grèce, il suffisait de jeter un seau à la mer et de le remonter, pour
prendre du poisson.
    — On commençait par lancer du pain, racontait-il, on
les voyait prés de la coque. L’eau, ils étaient tellement nombreux, des bancs entiers,
la mer tremblait. Elle devenait noire, argentée, alors on laissait descendre le
seau, juste au milieu et on tirait, un coup sec, on en avait toujours.
    J’avais senti brutalement sa main serrer ma nuque.
    — Attends.
    La voix étouffée.
    En face de nous, à la hauteur du monument aux morts, ce barrage,
des silhouettes avec leurs bérets, des brassards, et des rangs serrés de
porteurs de torches qui s’ébranlaient. Nous les suivions de très loin, à une
centaine de mètres d’un groupe d’agents cyclistes qui fermaient cette longue
flamme sinueuse qui parcourait les rues scandant : France ! France !
    — J’ai reconnu tous les cagoulards, disait mon père à
Lebrun. Ils montaient aux arènes.
    Lebrun, le lendemain, dans l’atelier, se penchait sur le
journal, regardait la photo, ces hommes à genoux sur le sable, le bras droit
tendu : Êtes-vous prêt à tout moment et en tous lieux à obéir au chef
sans discussion et sans réserve ?… Je le jure.
    Je les écoutais parler de Darnand, du Service d’Ordre Légionnaire,
de la Cagoule. J’imaginais des bourreaux qui appuyaient leurs mains sur le
manche de la hache, le visage recouvert d’une cagoule.
     
    — Tricoux, continuait Alexandre, était à la cérémonie
des Arènes, pour la fondation du Service d’Ordre de la Légion, avec Darnand, et
ton beau-fils, papa (Alexandre se tournait vers Carlo puis vers Dante) car le
mari de Mafalda, Dante ne le sait peut-être pas, c’est Charles Merani, un autre
cagoulard d’ailleurs et l’adjoint de Darnand aussi.
    Bernard et moi nous poussions la porte. Derrière chaque
arbre, ils étaient là, miliciens, Allemands, masqués, le revolver à bout de
bras. Alexandre essayait de nous renvoyer dans le jardin, mais Carlo levait sa
canne :
    — Laisse ces enfants, ou ils ne comprennent rien et ça
n’a pas d’importance, ou bien ils comprennent, et si vous comprenez (il dirigeait
sa canne vers nous) n’oubliez pas. Moi, je n’ai rien oublié, rien. Mon père se
mordait les poings parce qu’il avait faim, on avait faim tout le temps, comme
maintenant, mais c’était pas la guerre (il baissait sa canne), une guerre quand
même pourtant.
    Il respirait en plaçant sa main gauche ouverte sur sa
poitrine :
    — Toi et ta mère, reprenait-il en posant son chapeau
sur l’un de ses genoux, en tendant sa canne dans la direction d’Alexandre, vous
me critiquez pour ce mariage de Mafalda avec Charles Merani. Vous avez tort et
vous aurez tort.
    — Un salopard, dit Alexandre. Un jour, quelqu’un le
descendra.
    — Et qu’est-ce que tu veux que ça nous fasse ? (La
canne tournoyait au-dessus des flammes.) Tu connais le contrat de mariage ?
Même si on le juge, si on le dépouille de tout, même s’il divorce, tout est à
Mafalda, tout. Il était pas si malin que ça, le vieux Merani. Le patron de
Vincente, tu l’as connu Dante, tu es né dans sa maison, non ? Ah ! la
rue Saint-François, je m’en souviens.
    Il s’éloignait du feu. Nu-tête, le visage paraissait plus
osseux, la forme du crâne à peine dissimulée par les cheveux blancs bouclés
mais fins, si fins qu’ils me semblaient transparents.
    — Vous Nathalie, vous avez peur de moi, continuait-il,
parce que j’ai tout racheté à votre père et que la garce veut tout reprendre.
Vous savez quel était le défaut de votre père ? Il croyait qu’un atout ça
suffit. Hollenstein, votre nom, ça sent le riche de naissance, Nathalie. Et ça
ne sait rien les riches. Moi, j’ai appris seul une règle, et simple

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