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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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vous savez.
Tu entends Alexandre ? Toi Dante, aussi, et vous les gosses, vous êtes
déjà assez vieux pour retenir ça : si on n’a pas tous les atouts, c’est
comme si on avait rien. Tous les atouts et un couteau en plus. Alors seulement
on peut jouer.
    Carlo Revelli, quand il parlait, je ne pouvais plus le
quitter des yeux. Entre les mots, il serrait les mâchoires et comme il était
maigre, la peau usée, on imaginait les dents, le gonflement des gencives sur
leurs racines.
    Il abattait le poing sur la table :
    — Et Charles Merani, il me sert maintenant. C’est lui
qui va me défendre contre votre Katia. Heureusement qu’il est milicien, tout ce
que vous voulez. Je lui ai déjà dit, si vous me laissez dépouiller par Katia
Lobanovsky, parce qu’elle a été un moment Madame Hollenstein, si elle me
reprend l’Hôtel Impérial et l’Hôtel des Iles, que j’ai bel et
bien achetés, qu’est-ce qui restera à Mafalda ? À votre femme, mon cher
Merani ? Vous êtes mon beau-fils, et votre petit Robert, qu’est-ce qu’il
aura ? Rien. Alors il court, Charles Merani, il va voir son ami Darnand,
il calme Monsieur Tricoux. Et je suis tranquille, Nathalie. Tout ça, ça ira à
Yves, à votre fils, à un petit Revelli. Et c’est pas ça qui m’empêche de dormir
bien, c’est dedans. (Il se frappait la poitrine, toussotait.) C’est vieux, une
vieille corde, tous les brins se défont, un jour ça casse.
    Il remettait son chapeau, commençait à monter l’escalier.
    — Tu les raccompagneras, Alexandre, avec la voiture.
Vous, vous rentrerez à Saint-Paul demain.
    D’un mouvement autoritaire de la main, il empêchait son fils
de répondre.
    — Demain matin. Tu verras pourquoi.
     
    Violette s’asseyait entre Bernard et moi dans le fond de la
voiture. Mon père, à genoux près de la portière gauche, vérifiait l’allumage du
gazogène, et nous commencions bientôt à descendre moteur coupé, vers Cimiez.
    — Ce débarquement, disait Alexandre, si la flotte
rejoint l’Algérie, l’Afrique du Nord aux mains des Alliés, ça change tout, ici
aussi ça peut basculer, même Pétain, il peut s’entendre avec de Gaulle.
    Les oliviers, les platanes glissaient de part et d’autre de
la route, au-dessus de la ville noire comme un lac pris dans de hautes falaises
qui se soudaient au ciel nuageux.
    — La marine, dit mon père, je les connais les
officiers, droite, extrême droite. (Il avait la voix que j’aimais, forte et
sûre, il commençait à raconter.) Mon pacha… Tu sais ce que ça veut dire, Roland ?
    J’étais fier de la question. Il me désignait comme son fils.
    — Le commandant de ton bateau.
    — Le commandant du Cavalier, de Jarrivon, celui
qui nous en a fait donner en 19, à moi et aux camarades, pour quelques années,
à casser du caillou, tu sais ce qu’il est ? Dans l’état-major de Darland,
le grand ministre du Maréchal. Vichy c’est les amiraux, alors la flotte.
    — Ils vont nous occuper, dit Violette (elle se penchait
vers Alexandre) c’est peut-être ce que voulait dire ton père pour demain. Carlo
Revelli, il est toujours averti. Aux studios, depuis que les Américains ont
débarqué en Afrique du Nord, on ne parle que de ça, si ce sont les Italiens qui
viennent…
    — Presque la famille, dit Alexandre.
    Nous roulions dans l’allée de palmiers qui conduisait à la
villa de Violette. Ma tante se pencha :
    — Roland, tu te souviens, Bernard, c’est ton cousin. Il
s’appelle Revelli. Tu gardes le secret ? Toi aussi.
    Elle poussait Bernard vers moi :
    — Embrassez-vous les cousins, dit-elle.
    Nous nous donnions l’accolade, comme des hommes.
9
    Mes souvenirs se sont mêlés, je déroule ici le temps de ma
mémoire, peut-être ce milicien dont le nom me revient ne s’avançait-il vers
nous dans le jardin que plus tard ?
    — Toi, disait-il, toi, approche ici, toi, le plus
grand.
    Je quittais les autres, Catto, Paul, Julia, je marchais vers
lui, je regardais autour de moi, j’allais devoir m’enfuir, sauter, courir derrière
une haie.
    — Toi, tu t’appelles comment ?
    Il plaçait le canon de son pistolet sur ma nuque.
    — Revelli, c’est pas français, ça ! Tu es pour la
milice ?
    Je n’avais ni courage ni peur. J’étais un sac de terre comme
ce jour où une bande venue de Babazouk m’avait saisi. Nous étions des groupes
de gosses rivaux, nous avions des filles, Monique, Danielle, Julia, nous nous
rassemblions à une extrémité du

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