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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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jambe, glissé mon
doigt dans cette zone plus noire. J’écartais le mollet de la cuisse, ma main
caressait le dessous de la jambe, la femme demeurait immobile, peut-être
dormait-elle ; je n’osais bouger davantage, me limitant à ce contact, à ce
tremblement anxieux de tout mon corps, si fort qu’ils allaient tous se
retourner vers moi. Elle a brusquement saisi mon poignet, posant ma main sur
l’un de ses seins, et mon bras se trouvait ainsi dans elle, entre sa poitrine
et ses jambes. Je sentais les replis de sa peau sous le tissu soyeux. La
sirène. J’ai retiré ma main comme on l’écarte du feu, je suis sorti le premier
de la cave, montant les escaliers en courant, buvant longuement penché sur le
filet d’eau tiède qui léchait mes lèvres.
    J’ai tenté les jours suivants de savoir qui elle était. Je
me dissimulais dans l’entrée des caves d’où je pouvais apercevoir l’escalier.
J’attendais, mais comment reconnaître une émotion dans ces femmes pressées dont
les semelles de bois résonnaient sur les marches ?
    Je me persuadais que j’avais dû, pendant l’alerte, imaginer
la scène, qu’elle n’avait pas plus de réalité que les corps de mes nuits et de
mes toits, ceux que mes doigts ou la chaleur faisaient naître. Mais ce contact
vrai ou faux était présent dans ma mémoire, avivait mon désir de la pleine
présence d’un corps.
    Quand je me trouvais près de Julia, l’envie de la serrer
était si forte que je restais loin d’elle, refusant de la suivre dans les
tranchées, de prendre sa main, de troubler par un geste brutal la limpide
perfection de notre jeu candide. Elle était toujours ma reine et je m’inclinais,
obséquieux, dévoué comme un serviteur bossu, je mimais La Belle et la Bête, je
séparais l’âme du corps au moment où je commençais à découvrir que les rues
étaient peuplées de femmes, qu’en vélo souvent leurs jupes gonflaient, que
leurs seins, sous les tissus légers de l’été, se devinaient.
    L’une d’elles passait et je suivais son sillage, mais de si
loin, qu’elle restait pour moi une silhouette que seule mon imagination
rapprochait.
    Je pouvais pourtant marcher ou rouler derrière elle durant
des heures, et n’interrompre la filature qu’à l’instant où elle se retournait
intriguée. Mais peut-être ce mouvement de la tête vers moi ne m’était-il pas
destiné. Je me figeais pourtant, changé en statue de honte, puis je partais
dans la direction opposée à longues enjambées de peur d’être reconnu.
    Ces femmes, actrices involontaires de ma rêverie, je les
voyais souvent rentrer chez elles, je m’appuyais à une façade, j’attendais.
J’aurais pu rester là la nuit entière mais je craignais qu’une concierge ne
s’étonnât de ma présence. Je m’éloignais, revenais jusqu’à ce qu’une autre
femme, tout à coup, m’attire.
    Un nouveau film commençait et j’oubliais la première star,
sûr que celle dont j’emboîtais le pas allait me tendre la main, provocante :
« Viens, viens Roland. » Le reste, je le vivais la nuit, seul dans ma
chambre, guettant ma mère que la peur des alertes empêchait de dormir.
     
    Je voyais moins Bernard parce que je n’osais partager,
avouer mon besoin. Il devait rester secret. Suivre une femme était affaire de
solitaire et exigeait le silence. Je laissais à Catto les récits – « Ma
queue, je la lui ai mise entre les seins, qu’est-ce que tu bandes ! »
Je lui abandonnais les rues et les places dont les noms séchaient la bouche –
rue d’Alger, place Pelligrini – parce que des femmes, jupes plissées,
seins de matrones, s’y tenaient parfois appuyées à des portes basses, étroites
où entraient des soldats. J’écoutais Catto avec fascination et terreur. Il
m’entraînait vers un passage entre des façades aveugles. Une rigole courait au
milieu de la chaussée et m’engageant avec lui dans cette venelle obscure,
j’étais pris de dégoût, je sentais des odeurs d’urine. Il s’attardait,
dévisageait l’une de ces ombres dont je ne voyais que les ongles rouges
dépassant des lanières de cuir, le pied gras.
    — C’est Sucette, disait Catto en me rejoignant. (Il riait.)
Sucette, celle-là…
    J’apprenais, à côtoyer Catto, à l’entendre, que je
n’appartenais pas à sa race.
    En classe parfois, il sortait son sexe, s’excitait dans un
mouvement de va-et-vient, les jambes chevauchant le banc. Je voulais ne pas
voir, mais en même temps

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