Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
entourions des femmes au crâne rasé.
    J’entrais avec la foule dans la cour de l ’Hôtel Impérial, quelqu’un criait :
    — Attention, c’est miné partout !
    Nous refluions, il me semblait que je reconnaissais ce
visage maculé de croix gammées noir et rouge, cette jupe de tissu imprimé.
    — Celle-là, disait-on autour de moi, elle a dénoncé,
c’est la putain de Tricoux, la putain de la Milice.
    On malmenait Kalia Lobanovsky, on la poussait dans un camion
et Catto gueulait :
    — À poil la putain, à poil.
    — Je m’appelle Halphen, disait Bernard, Halphen.
    Il se frappait la poitrine, riait, me lançait un coup de
poing.
    J’étais fourbu. Je les avais oubliés. Je rentrais.
     
    Ils étaient là. Mon père se lavait dans la cuisine, le fusil
posé contre le mur, la chemise qui portait un brassard tricolore, accrochée à
la poignée de la porte. Il me faisait face et je n’avais plus envie de me
précipiter vers lui. Il riait pourtant en me voyant.
    — Alors fiston, tu te bats ?
    Mais les mots que je préparais devenaient blocs de glace aux
arêtes vives. Je n’avais rien à lui dire et lui aussi paraissait hésiter.
    — Tu l’as vue, maman, ai-je demandé. Et Christiane ?
    Il répondait par une inclinaison de la tête, recommençait à
se laver.
    J’avais rêvé de les retrouver elle et lui côte à côte après
ces mois de séparation, réconciliés. Mais j’avais ouvert la porte et éprouvé la
tension d’autrefois. Ma mère était dans sa chambre, complotant avec Christiane.
    — Tu l’as entendu, le héros ? disait-elle me
voyant. Il me laisse là, avec deux enfants, et il voudrait qu’on l’accueille
comme si on devait le remercier de ce qu’il a fait. Pour qui il l’a fait ?
Pour moi ? Qu’est-ce que je lui ai demandé ? Il l’a fait parce qu’il
en avait envie.
    Je retournais près du fusil, je le soulevais, je faisais
jouer la détente. La guerre, les soldats dans les rues, c’était si simple, alors
qu’ici, nous, elle, lui, dès le premier regard, nous nous engluions.
    — Rafaele, tu te rappelles ? Tu viens avec moi ?
    Je marchais près de lui vers cet angle de mur, une façade
que les balles avaient écaillée. Des hommes et des femmes silencieux formaient
un demi-cercle. J’ai lu sur un panneau de carton appuyé à la façade :
    Ici est tombé le 28 août 1944, pour la libération de
Nice, le F.T.P. Rafaele Sori, combattant des brigades internationales,
antifasciste.
    Quelqu’un avait posé, sur le trottoir, une gerbe d’œillets
rouges.

Deuxième partie Le corso blanc
15
    Je ne savais pas que les jeux héroïques s’achevaient. Mon
père défilait encore avenue de la Victoire, le brassard à sa manche et sur le
trottoir derrière la rangée de badauds qui applaudissaient, je devançais le
cortège, je me laissais rejoindre puis je marchais enfin à son pas.
J’apercevais mon père, là, au milieu d’un rang, si différent de ce qu’il était
dans notre cuisine, face à ma mère, à moi. Je découvrais son assurance, la
façon impertinente dont il rompait la cadence, se trouvait en avant ou en
arrière de la ligne, regardant autour de lui et je craignais qu’il ne me vît,
que son visage à nouveau se couvre de lassitude.
    J’aurais aimé pourtant me hausser sur la pointe des pieds,
chercher dans la foule Monsieur et Madame Baudis, ou Maître Lamberti, le père
de Julia, tous les parents – le pharmacien ou le photographe – de mes
camarades de jeu, leur désigner mon père pour qu’ils apprennent qui j’étais.
    Mais je me dissimulais pour ne pas rompre le charme, je
suivais le cortège qui passait devant les lampadaires des Arcades, effaçait les
traces de la honte, atteignait la Préfecture. Les rangs se défaisaient, je
m’approchais.
    Mon père était au milieu d’un groupe. Il parlait d’une voix
enfin haute, provocante :
    — Qu’ils y viennent maintenant nous dire qu’on l’avait
trahie, la France, qu’ils y viennent.
    Puis un remous, les acclamations de la foule, et elle
s’étendait jusqu’à la mer par-delà le marché aux poissons, l’emportait. Autour
de moi on criait le nom de ce député que j’avais appris au printemps de 1936,
debout sur les épaules de mon père, alors qu’on inscrivait, sur les panneaux du Petit Niçois, les chiffres de la victoire. Le député montait maintenant
sur la balustrade d’une fenêtre, il s’appuyait à la hampe d’un drapeau, il
tentait de remplir la place de sa

Weitere Kostenlose Bücher