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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Bernard, tu ne sais pas la chance
que tu as.
    Il m’entraînait vers l’Hôtel des Anges où Michèle, l’une
de ses amies, était descendue avec sa mère.
     
    Quand je cherche à me souvenir des semaines de cet été-là,
me reviennent d’abord l’odeur de pommes du vieil hôtel, les boiseries des longs
couloirs, le lit aux montants de fer et, près de la fenêtre, cette armoire dont
la porte battait et où, dans sa glace, j’apercevais les traînées lumineuses des
voitures roulant le long de la baie, sur la Promenade. Je me souviens des
vagues du premier crépuscule.
    Je retrouvais Bernard et Michèle à ma sortie de l’entrepôt.
Ils passaient leurs après-midi sur la plage et j’arrivais tard, quand le vent
est tombé, que les galets sont déjà froids, le soleil à peine tiède. Ils
étaient là, des livres entre eux, Michèle appuyée sur les coudes, les bretelles
de son soutien-gorge dénouées.
    — Vous vous baignez ? demandait-elle.
    Je regardais les masses fauves qui retombaient comme
assoupies sur le rivage. Je me déshabillais. J’étais bien dans mon corps. Je courais
vers la crinière des vagues, j’entrais dans le flanc lisse de l’eau, je nageais
vite pour échapper au remous, gagner le large, me laisser prendre par les
ondulations lentes, puis m’élancer vers le radeau, battement des pieds pour que
l’écume attire leurs regards.
    Debout sur les lattes glissantes, seul, je les appelais et
je plongeais dans un creux. La nage du soir était ma mise en scène, et entravé
encore par le reflux, je courais vers la grève où ils m’attendaient.
    Michèle marchait entre nous sur la Promenade. J’apprenais à
ses côtés le langage du corps, cette tension entre deux bras si proches et qui
s’effleurent.
    Un soir ce fut le Corso blanc, la cavalcade des amazones,
les fleurs, Michèle qui me prenait la main :
    — Nous allons nous perdre, Roland.
    La vie, c’est cet émoi, cette timidité qui devient de
l’audace. Bernard est devant nous, je pousse Michèle derrière l’une des
tribunes. La vie, c’est la complicité silencieuse qui nous fait nous baisser
pour qu’il ne nous voie pas cependant que nous retournons vers l’Hôtel des
Anges.
    Je serre la main de Michèle.
    — Bernard, commence-t-elle, il va comprendre.
    Elle s’interrompt, me regarde cependant que nous quittons la
lumière et la poussière pour le rythme du ressac, que la musique déjà nous
parvient modulée par la brise.
    Michèle hésite devant l’entrée de l’hôtel. Je monte devant
elle, je suis contre elle dans la porte à tambour, dans l’ascenseur, et je sens
l’odeur de pomme et de bois.
    — J’avais ma clé, murmure-t-elle. Heureusement.
    Je vois d’abord la glace de l’armoire où glissent les
phares, je me penche à la fenêtre car tout à coup la timidité m’étreint. J’ai
besoin d’air. Puis Michèle contre mon dos.
    Enfin un corps de femme, et ma terreur de ne pas savoir, et
de ne pas pouvoir. Elle était contre moi, lourde, je n’avais connu que le
plaisir de faire naître un mirage docile qui se pliait à mes lois. Voilà qu’une
femme respirait, toussait, guidait ma main, que je ne réussissais pas à n’être
qu’avec elle, l’émotion peut-être ou la fatigue, elle était trop vivante ou
trop inerte. Je devinais que l’aube se levait, j’imaginais ma mère debout dans
le couloir, ouvrant la porte, me guettant depuis des heures, et Bernard qui
nous cherchait. Michèle brusquement s’est mise à rire.
    — Nous sommes deux novices, dit-elle, toi et moi. (Elle
bâillait.) J’ai sommeil.
    J’avais hâte de la quitter. Je traversais les jardins, la Promenade
que nettoyaient à grands jets d’eau les cantonniers. Les œillets blancs
arrachés aux chars, les confettis formaient des tas boueux et noirâtres au bord
des trottoirs. Ma mère dans la cour, les mains levées devant son visage, prête
à couvrir ses yeux pour ne pas voir le fils indigne qu’elle imagine devenu
homme. Je passe devant elle comme si je ne l’apercevais pas dans la lumière
encore grise du matin. La scène peut demeurer muette, mais ma mère s’y refuse.
Elle me retient dans le couloir, me regarde comme si je portais sur le corps
une souillure.
    — Tu sens mauvais, dit-elle, tu vas être malade.
    Elle exprime le dégoût, elle touche ma poitrine du bout des
doigts. Je prends son poignet, je repousse son bras, je crie :
    — Laisse-moi, laisse-moi.
    Elle hurle à son tour :
    — Toute la nuit

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