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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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animé. Joueurs de boules sur la place,
envol de colombes au-dessus des platanes.
    Sam, une chemise à fleurs ouverte sur sa poitrine, est assis
avec Vincent à la terrasse du café, applaudissant quand un tireur frappe une
boule de plein fouet.
    Je sens le corps de Violette qui se détend.
    — Sam est un clown, dit-elle.
    Je la regarde. Elle sourit, et son visage où j’ai souvent
remarqué la rayure grise des rides, là au coin des yeux et du nez, me parait
lisse. Il me semble que je la devine telle qu’elle était, jeune femme, aux côtés
de Denise, ma mère, et j’entends leurs rires, leurs confidences alors qu’elles
traversent la place Masséna. Mon père est de l’autre côté, sur le trottoir,
peut-être dissimulé par une colonne du Casino ; il attend qu’elles s’avancent
pour les surprendre, embrasser sa sœur, rencontrer Denise.
    — Qu’est-ce qu’il a ? demande Sam en me désignant.
Malade ?
    — L’amour, dit Violette en chantonnant.
    Elle s’accroche au cou de Sam, ferme les yeux, murmure son
nom.

Troisième partie

Le printemps noir
18
    Carlo Revelli aimait regarder Roland.
    Il en oubliait le froid, la sensation que le ciment s’infiltrait
dans ses jambes, et tout à coup elles étaient prises, glacées et lourdes. Il
lui fallait taper longtemps avec la pointe du pied, frotter même le mollet avec
le bout de sa canne pour que le ciment s’effrite. Carlo s’appuyait à sa canne,
rentrait dans son bureau de l’entrepôt, et s’installait derrière la vitre. De
là, il voyait la manœuvre, les camions qui, en marche arrière, se rangeaient
contre le quai.
    Roland, torse nu, sautait dans la benne, les ouvriers arabes
arrimaient les madriers aux palans, puis d’une poussée ils les dirigeaient vers
Roland. Il les recevait, les deux mains devant la poitrine, s’écartant au
moment où ils glissaient sur le plancher de la benne.
    Carlo assis, le col de son manteau relevé, commençait à
feuilleter le courrier mais vite il convoquait Gili, le directeur, lui
désignait les lettres : « Signez, signez », disait-il. Et il
regardait à nouveau le fils de Dante, cette silhouette musclée dont l’ombre
masquait le visage.
     
    Chaque matin, quand la voiture s’arrêtait devant l’entrepôt,
que le gardien se précipitait pour ouvrir la portière, le chauffeur demandait :
    — Je reviens à quelle heure, Monsieur ?
    Carlo Revelli hésitait. Qu’avait-il à faire à l’entrepôt ?
Il pouvait décider de repartir, remonter à Gairaut ou bien visiter l’un des chantiers,
les immeubles du nord de la ville ou les pistes de l’aéroport que les
bétonneuses dessinaient peu à peu sur les éboulis de terre rouge jetés dans la
baie.
    — Reste-là, répondait-il. Je vais, je viens.
    Il voulait voir Roland au fond de l’entrepôt, observer cet
homme jeune, debout. Une branche neuve que la sève irrigue, que la révolte
dresse. Un Revelli qui lui ressemblait.
    Les autres, même le fils, Alexandre, ou Robert ou Yves,
n’étaient pas bourrés de colère, de cette rage qui rend les gestes vifs. Roland
saisissait un madrier comme s’il donnait un coup de poing. Quand il prenait la
masse, il frappait jusqu’à faire éclater la pierre, à la réduire en sable. Les
autres Revelli ne sauraient jamais ce qu’est la douleur qui bleuit le regard
quand l’ongle éclate sous le choc parce qu’on a mal ajusté le coup ou que la
masse a glissé.
     
    — Je ne demande qu’à comprendre, disait Alexandre à
Carlo Revelli.
    Il était assis près de son père, sur la terrasse de Gairaut.
Nathalie habillait lentement la poupée de sa fille et Sonia, le visage posé sur
les genoux de sa mère, suivait le mouvement des doigts comme on écoute le
conteur dire une fable.
    — La mère de Roland, reprenait Alexandre, m’a demandé
de l’engager comme dessinateur. Roland est intelligent, il peut très vite
apprendre.
    — Il reste avec moi à l’entrepôt, répondait Carlo.
    Alors que pour lui tout – les autres et aussi le
contour des collines le matin, les façades, au delà des bassins du port –
tout devenait flou, Roland était la seule image nette, précise comme un souvenir
proche. Au delà de la vitre du bureau, Roland demeurait les mains sur les reins
parce que, après l’effort, c’est la pose qu’on prend et Carlo, un instant,
sentait comme autrefois la chaleur des paumes, là, à la base du dos. Il restait
immobile, les pans de son manteau rabattus sur les genoux, les

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