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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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chantier. Tu rêvasses
avec cette conne de Christiane.
    Elsa, réveillée, commençait à pleurer.
    — Qu’est-ce qu’elle a celle-là ? criait Roland.
    Il n’y avait plus qu’un immense fossé, le sol s’était
effondré.
    Jeanne habillait Elsa, deux jaquettes, le manteau à
capuchon, les moufles, elle prenait un sac de voyage, les remèdes, un
thermomètre, pyjama, chemise de nuit. Elle traversait sans hâte le salon,
passait son imperméable.
    — Qu’est-ce que tu fous ? demandait Roland.
    — Je m’en vais.
    Il ne bougeait pas du fauteuil. Il la suivait des yeux quand
elle reparaissait tenant le sac de voyage à la saignée du bras droit, portant Elsa
sur le bras gauche et la petite fille laissait sa tête retomber sur l’épaule de
sa mère.
    — Tu t’en vas ? demandait-il.
    — Tu vois.
    Pour qu’elle reste, il eût fallu qu’il la tue et il devinait
cette résolution puisqu’il demeurait immobile.
    Elle ouvrait la porte, la tirait lentement parce qu’il ne
s’agissait pas d’un coup de tête qui claque, mais d’une décision souterraine qui
venait enfin à la lumière. Elle s’installait chez Christiane et Sylvie.
    Et depuis, bien qu’elle eût voulu souffrir de l’absence de
Roland, elle s’étonnait de ne rien ressentir d’autre que la fatigue douce des
convalescents.

28
    Une ou deux fois par semaine, Sam Lasky rencontrait Roland
sur le chantier.
    Sam arrivait au début de la matinée, bien avant l’heure du
rendez-vous pour rester quelques heures seul, tendre une cigarette au plâtrier,
observer l’ouvrier qui, le corps légèrement penché, vérifiait le tracé de la
courbe enveloppant de plâtre l’escalier. Sam, assis sur une marche, se taisait.
Au bout d’un moment le plâtrier oubliait sa présence, commençait à chanter à
voix basse, mélopée souvent interrompue, parce qu’il fallait reprendre un plan,
égaliser une surface. Le plâtrier reculait, clignait des yeux, puis
recommençait à chanter et Sam reconnaissait ses propres gestes de peintre et de
sculpteur. Quelle différence entre ces ouvriers et lui ? Qui décidait de
ce qui était art ou artisanal ?
    Sam se levait :
    — Ça va bien ? demandait-il.
    Le plâtrier se retournait, crispait son visage dans une
expression d’incertitude.
    — Vous savez, avec vos dessins tordus, faut pas
s’attendre à des miracles.
    Sam riait, prenait la main d’un maçon qui l’aidait à
franchir une passerelle au bout de laquelle s’évasait la terrasse, courbe
extrême de la construction d’où l’on dominait le paysage, les hauteurs qui fermaient
l’horizon et barraient la couche ouatée de la mer.
    Sam s’asseyait, respirait l’odeur d’écorce et d’aiguilles vertes
de la pinède, la lourde senteur grasse de la terre retournée, puis il descendait
dans la salle hexagonale, au centre de la Fondation. Là il retrouvait Roland
qui avait posé les plans sur le sol, convoquait les contremaîtres. Sam n’aimait
pas la brutale autorité de Roland :
    — Ça, vous me le recommencez ; je ne veux pas de
ce gâchis ici.
    Sam entraînait Roland loin des échafaudages, dans la pinède,
vers les blocs de ciment qui, au milieu des arbres, devaient recevoir les
structures de métal qu’il achevait dans l’atelier de Saint-Paul.
    — Tu n’as pas besoin de hurler, disait-il à Roland.
    — Nous n’avons pas le même métier. Vous êtes un
artiste, moi, un entrepreneur ; vous avez fait des plans de votre
Fondation, moi je construis.
    L’envie de pousser Roland hors de lui-même, de retrouver
sous les décombres l’adolescent, le fils de Dante.
    — Jeanne, disait Sam.
    Roland se retournait vivement.
    — Quoi Jeanne ?
    — Elle travaille avec nous. Je compte l’installer ici
comme secrétaire de la Fondation.
     
    Le soir, dans l’atelier, Sam racontait à Violette. Elle
lisait sur la terrasse mais quand Sam commençait à parler, elle posait le livre
ouvert sur le sol, rentrait.
    — J’ai dit à Roland que Jeanne avait une sensibilité
artistique tout à fait exceptionnelle.
    — Ne joue pas avec lui, répondait Violette. Je suis
sûre qu’il est fragile.
    Elle avait essayé de le voir plusieurs fois, mais Roland se
dérobait, téléphonant au moment où elle s’apprêtait à le rejoindre : « Une
visite de chantier, imprévisible, je ne peux pas aujourd’hui », expliquait-il.
Il avait peur.
    — Il faut le forcer à parler, disait Sam. On ne gagne
rien à laisser pourrir quelqu’un et

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