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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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vie.
    Pourquoi lui reprocher d’avoir désiré ce que tout le monde
voulait obtenir : l’argent, le luxe. On pouvait vivre avec autre chose.
Lisa, ma mère, était heureuse dans sa cuisine noire de fumée, rue de la
République, mais les femmes changent.
    Dante marchait à pas lents, montant vers le village.
    Roland maintenant comme sa mère, le même désir, la même insatisfaction.
Le gain, le succès n’y faisaient rien, il voulait encore.
     
    — Ton fils, disait Alexandre à Dante, un bulldozer. C’est
lui qui a eu l’idée de créer notre secteur promotion immobilière, les programmes
de la Trinité-Victor, ceux de Saint-Laurent. C’est lui. Il a acheté les
terrains, constitué les Sociétés Civiles, lancé les publicités, on ne peut pas
l’arrêter. Il a les affaires dans le sang, pas comme toi.
    Dante, les premières années, quand tous autour de lui
parlaient de Roland : « Ton fils, mon vieux, disait un vieil ouvrier
électricien, c’est quelqu’un sur le chantier », éprouvait une fierté
inquiète.
    « Ton fils. » Ces deux mots comme la première
bouffée d’une cigarette quand on n’a pas fumé depuis longtemps.
    Dante écoutait, jouait les modestes.
    — C’est pas le patron, il fait pas ce qu’il veut,
disait-il.
    Puis quand il était seul, il riait. Roland, Christiane, qui
aurait dit ?
    Seulement peu à peu, il mesurait le prix. La hâte de Roland,
ses brusqueries.
    — Tu as le temps, non ? disait Dante.
    Et la réponse, hurlée presque :
    — Mais non je n’ai pas le temps, vous ne savez pas ce
que c’est.
    Roland embrassait sa mère, ignorait Dante, Jeanne, Elsa, et
du balcon Dante apercevait sa voiture qui doublait la longue file embouteillant
l’avenue.
    Les préoccupations prenaient ainsi le dessus. Dante rentrait
dans l’appartement, jouait avec Elsa, disait à Jeanne :
    — Tu ne peux pas lui conseiller de laisser un peu les
choses maintenant, qu’est-ce qu’il veut encore ?
    — Toi, bien sûr, répondait Denise, quand quelqu’un a de
l’ambition, de l’énergie ; Roland, il n’est pas comme toi.
    Pourquoi répondre ? Denise ne comprendrait pas que
Dante s’interroge sur ce qu’il fallait faire de l’énergie et de l’ambition de
l’homme.
    Mais souvent, dans l’un des journaux que lui prêtait
Christiane, Dante retrouvait ses doutes. Il osait alors les reprendre à haute
voix, autant pour se convaincre qu’un autre avenir était possible, que pour
savoir ce qu’il devait penser de Roland.
     
    Depuis qu’il était à la retraite, Dante faisait souvent de
longues randonnées à vélomoteur. Il aimait s’arrêter au bord d’une route dans
la campagne, grappiller quelques mûres, rêver, comme il disait, à la société
future. Il se souvenait : « En attendant Merani racontait Vincente,
et souvent je devais l’attendre deux ou trois heures, quand je l’accompagnais à
une réception, moi je rêvais, je préférais comme ça imaginer des choses, plutôt
que de dormir comme les autres cochers. »
    Dante rêvait, allait jusqu’à Saint-Jean, se faufilant au
milieu des voitures.
    — Je suis pas très prudent, disait-il à Christiane,
mais je me débrouille.
    Il bavardait avec les pêcheurs sur les rochers, ou bien
montait à Saint-Paul, voir Violette, ou plutôt, discuter avec Sam.
    Dante s’asseyait dans un coin de l’atelier, silencieux
d’abord, puis Sam donnait le signal, commençait à parler politique. Dante maintenant
voulait aller au delà. La politique, il ne la voyait que comme l’écume des
choses, tant d’autres problèmes.
    — Cette énergie quand même, disait-il à Sam, tous ces
moyens pour la concurrence, des produits inutiles, si on la mettait au service
de l’homme ?
    Sam écartait les bras, s’approchait de Dante :
    — Service de l’homme, mais tout est au service de
l’homme. Ça bout une société. Guerre, art, publicité, et finalement il en sort
l’Histoire, et nous voilà.
    Dante secouait la tête, reprenait :
    — Le gaspillage, les uns qui crèvent, nous ici, tous
ces produits qui ne servent à rien, ces ambitions, même mon fils.
    — Quoi, votre fils ? Il a un désir, une volonté,
il entreprend bon. Ça fait pousser des immeubles, voilà. Ça vaut la
bureaucratie, la planification ? Le capitalisme (Sam s’approchait de
Dante) finalement ce n’est pas si mal, on n’a pas fait mieux.
    Sam entourait Dante de son bras. Il sentait bien qu’il ne
l’avait pas ébranlé, il essayait

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