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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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bâtards ces bourgeois de Nice, tous domestiques, arrogants et
veules. Il fallait le temps pour que les visages s’affinent, pour que la peau
devienne ce parchemin, fragile et précieux, qu’ils avaient eux les Karenberg,
parce que depuis des siècles, ils se désintéressaient de l’or et du commerce.
Ils possédaient, Semitchasky et ses forêts, ses fleuves, et ces palmiers de
Cimiez, et seuls les régisseurs connaissaient le détail des héritages.
L’extrême richesse rejoignait ainsi la pauvreté et l’aristocratie le peuple. La
bourgeoisie elle, comptait, elle savait le prix d’un stère de bois. Elle
vendait, elle louait. Elle seule possédait. Et donc elle seule était possédée.
Karenberg s’immobilisa. Sur la terrasse l’homme baissé avançait, à demi caché
par la balustrade, mais elle s’interrompait et Karenberg le vit qui
s’accroupissait devant les portes vitrées de la bibliothèque. Il y eut un
grincement, celui de l’acier contre le verre, puis un léger choc, la silhouette
se redressa et Karenberg instinctivement se dissimula, se plaçant derrière un
palmier. Il pouvait rejoindre la maison du gardien, le réveiller et à deux ils
surprendraient le voleur. Mais la curiosité le retint. L’homme était entré dans
la bibliothèque. Il devait connaître les lieux car il n’y eut aucune lumière ;
la nuit, il est vrai, était claire et souvent Karenberg restait dans la
bibliothèque toutes lampes éteintes, distinguant pourtant les objets, le
coffret bien sûr. Peut-être l’un des domestiques. Ou bien l’un des ouvriers
qu’il avait employés pour creuser les tranchées de fouilles dans le parc.
Karenberg s’approcha de la terrasse passant d’un tronc à l’autre, s’arrêtant à
chaque fois, retrouvant ce plaisir malsain de la chasse, quand la neige est
tombée, qu’elle emprisonne les bruits et qu’elle enveloppe jusqu’à la taille.
Peut-être n’était-ce qu’une visite pour Helena, elle aimait provoquer, donner
le bout de ses doigts et retirer sa main. Tant de fois Karenberg avait vu sa sœur
jouer ainsi à Semitchasky, à Pétersbourg ou à Aix, qu’il s’était toujours
étonné qu’aucun de ces jeunes hommes si fiers, ne la saisisse par le bras, et
ne la couche sur l’un des canapés des salles de bals, simplement pour relever
ses robes et la fesser. Mais les bourgeois étaient serviles, les aristocrates
indifférents et les hommes du peuple n’étaient pas invités. Donc c’était un
voleur. Le tenir en joue, le blesser à la patte, pour voir s’il était de bonne
race, le livrer ou le laisser repartir, en claquant les mains et suivre sa
trace dans la neige jusqu’au terrier en retenant les chiens.
    L’homme ressortait debout maintenant, silhouette vigoureuse
qui enjambait la balustrade, le bruit sourd dans les buissons, un bruit de
feuilles, il devait se diriger vers la grille. Karenberg se leva rapidement,
courant dans l’allée sur la pointe des pieds. Le chien du gardien à nouveau se
mit à hurler et il lui fallut le calmer, perdant ainsi quelques minutes. Il
sortit sur le boulevard, se collant contre les colonnes qui formaient l’entrée
du parc, espérant voir passer l’homme. Il attendit, s’avança. Le boulevard
était désert. Karenberg se plaça au milieu de la chaussée, pour tenter de
saisir le boulevard dans toute sa longueur, mais les quelques minutes perdues
avaient sans doute suffi. Le voleur, en courant, avait dû gagner le quartier de
Carabacel, au delà du tunnel de Cimiez.
    Karenberg revint lentement vers le portail. La toux grasse
et rythmée de la locomotive reprenait, plus régulière, ou bien la brise
avait-elle cessé ?
    Dans la bibliothèque, quelques livres étaient tombés sur le
parquet mais le coffret avait été refermé. Il était vide. Combien contenait-il ?
Helena devait savoir cela. Avec le pommeau de sa canne, Karenberg acheva de
casser le carreau qui avait été découpé. Il le faisait avec de petits gestes
méticuleux, puis du pied il poussa les débris sur la terrasse. Il laissa la
porte-fenêtre ouverte, face au parc, éteignit la lampe et les yeux mi-clos,
jouant avec son lorgnon, il resta un long moment, isolant une à une ses pensées
comme on peut le faire des fils d’une trame. Ce qui le retenait en vie, c’était
précisément le désir de savoir pourquoi des brins se croisent, ce qu’il en
résulte. On tire à la chasse, un renard tombe ou bien il a fait un écart et la
balle siffle pour mourir

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