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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’avenue Thiers d’un bon pas,
rentrerait-il cette nuit ? Il regarda l’heure, décida de passer au Temple
maçonnique, ce devait être la fin d’une tenue, il pourrait échanger quelques
mots avec Bertagna, le Vénérable de l’Ordre, bien informé toujours de ce qui se
disait à Paris, chez le Grand Maître. Si l’on voulait un ministère, cela
pouvait peser.
    La politique se traitait comme une maladie, il fallait tout
prendre en compte, le pouls du malade et la coloration de son iris. Le frère
qui servait de concierge, accueillit avec servilité le député Merani, l’une des
notabilités de la franc-maçonnerie niçoise. Il prit sa canne, son chapeau, le
guida, vers l’une des petites pièces qui, flanquant la salle de Tenue, servait
de salon, de lieu de réunion pour le Vénérable. Bertagna s’apprêtait à partir
avec un homme jeune, aux cheveux blonds assez longs, le front déjà dégarni. « Le
baron Frédéric Karenberg », disait Bertagna, qui venait de faire une
conférence sur la situation en Russie.
    — Remarquable, mon cher Merani, continuait le
Vénérable, tu y aurais appris, je sais bien que tu es informé mais le Baron,
notre frère…
    — Je sais bien peu sur la Russie, dit Merani.
    Frédéric Karenberg le regardait ironiquement, puis enlevant
son lorgnon, ses yeux perdirent toute vivacité.
    — Karenberg nous annonce une révolution auprès de
laquelle notre 1789 apparaîtra comme, comment disiez-vous, interrogeait
Bertagna.
    Karenberg sourit :
    — Vous savez, nous sommes excessifs en Russie, je me
trompe peut-être, je disais que la Russie, c’est à la fois, le Moyen Âge, la
barbarie, quelque chose de l’Empire Byzantin et puis les idées d’aujourd’hui,
nous exécutons nos tsars avec des bombes.
    Il avait cessé de sourire, passant avec soin ses gants de
cuir fauve, enfonçant chaque doigt séparément, lissant la peau :
    — Et c’est un jour la Russie tout entière qui
explosera, il faut le savoir puisque je crois, monsieur le Député, que la
France compte beaucoup sur l’Alliance russe. Mais – il se remit à sourire –
c’est peut-être dans dix ans, dans un demi-siècle.
    — Nous avons le temps, dit Merani.
    L’assurance moqueuse de Karenberg, cette suffisance aristocratique
et peut-être l’accent étranger, la façon grasseyante de prononcer, l’irritaient :
    — La politique, c’est un peu comme la vie, dit-il, on
joue avec ce qui existe, vous vous croyez en bonne santé, et vous mourrez
demain, la Russie, n’est-ce pas, la France, c’est la même chose.
    — Vous êtes un député philosophe, dit Karenberg.
    Il avait achevé de passer ses gants, il remettait son
lorgnon.
    — D’ailleurs, reprit-il, puisque nous nous rencontrons
ici, c’est bien que vous êtes philosophe.
    — Notre député est aussi médecin, dit Bertagna en les
invitant à sortir.
    — Mais croyez-moi, ajouta Karenberg. Il est bon de
savoir que la Russie est un volcan, pas tout à fait éteint. Avez-vous visité
Pompéi, monsieur le Député ?
    Merani qui prenait sa canne et son chapeau, ne répondit pas.
    — Je vous raccompagne, dit Bertagna, ma voiture est là.
    Merani refusa d’un geste qu’il regretta, le baron Karenberg
décidant lui aussi de rentrer à pied. Ils attendirent la voiture de Bertagna et
se retrouvèrent marchant silencieusement, côte à côte sur l’avenue de la Gare,
les sabots d’un cheval qui s’éloignait venant seuls comme l’écho de leurs pas.
    — Curieuse ville, dit Karenberg, si peu française, n’est-ce
pas ?
    — À peine une trentaine d’années, nous ne sommes
français que…
    — Je sais, je sais, dit Karenberg en l’interrompant,
mais cela ne se compte pas en années, il y a tout un climat, cette population,
ces Italiens, ces étrangers, je crois que ce ne sera jamais une ville française
comme l’est Bourges ou Aix-en-Provence. J’ai vécu à Aix, continua-t-il après un
silence, je suis un passionné d’antiquités romaines, et la Provincia, votre
Provence est si riche, je m’étais installé à Aix avec ma sœur, nous avons
exploré toute la région. Quelle richesse, cet Empire si puissant, et qui a
disparu, cela ne vous fascine pas ?
    — Peu, dit Merani brutalement, je n’aime pas le passé.
Je préfère un arbre à une statue.
    Karenberg s’arrêta, forçant le docteur à l’attendre.
    — J’aime beaucoup cette phrase, dit Karenberg d’une
voix lente, l’arbre et la statue.
    Il parut

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