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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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lumière crue, ils devinaient des silhouettes, hommes et femmes
l’un contre l’autre. Ils se donnaient des coups de coude, échangeaient en
niçois des commentaires, puis ils traversaient la ville longeant le Paillon,
descendant la rue Bonaparte jusqu’à la place Pellegrini, s’arrêtant devant
l’entrée du bordel, s’éloignant, revenant. Une nuit Luigi s’y était rendu seul
avec dans ses poches les pièces économisées depuis des mois, celles que Merani
lui donnait ou celles qu’il trouvait, ouvrant une armoire quand il était sûr
que la maison était déserte, fouillant dans les poches des gilets, découvrant
toujours quelques sous oubliés.
    Maintenant Madame George dans l’entrée du bordel le tenait
aux épaules, le poussait vers le salon mais Luigi secouait la tête.
    — La plus chère, je veux la plus chère, disait-il.
    Madame George lui avait caressé le visage.
    — Tu as l’argent au moins.
    Il avait ouvert ses mains, et une à une, Madame George avait
pris les pièces comme on picore, lui laissant quelques sous.
    — Tu lui donneras ça, après, si tu t’es amusé,
ajoutait-elle en lui serrant le poignet.
    Puis elle avait jeté un coup d’œil au tableau des chambres.
    — Il y a l’Anglaise, disait-elle, mais cette nuit, je
ne peux pas, tu reviendras, je vais te donner…
    Il s’était allongé sur le lit et la fille, une brune d’une
trentaine d’années, les joues couvertes des cercles du maquillage, avait commencé
à le caresser, puis elle était venue sur lui, le tenant aux épaules, pesant, ce
visage qu’il voyait, le menton lourd, les seins qu’il aurait voulu toucher,
mais elle le tenait sous elle, prisonnier.
    — Reviens, avait dit Madame George, reviens je te
donnerai l’Anglaise.
    Mais Luigi n’avait plus eu besoin de revenir. Les filles
comme si elles avaient su, commençaient à tourner autour de lui, ou bien c’est
lui qui, après la nuit au bordel, les découvrait. Il les entraînait vers le
château, elles se laissaient conduire, sachant qu’ils se coucheraient sous les
pins, et devant eux, le port, la mer. Avant de s’éloigner Luigi faisait à Gigi
un clin d’œil, un geste complice. Parfois une fille refusait, elle repoussait
Luigi, elle se mettait à courir, alors il l’insultait, lui jetant des pierres,
la rattrapant, lui donnant une claque du revers de la main. Ils étaient seuls,
face à face, il la collait contre un arbre, il s’appuyait contre elle, lui
maintenant les bras immobiles, glissant son genou entre ses cuisses. Elle
pleurait, s’abandonnant souvent, se débattant encore quelquefois et il la
laissait alors, après une dernière insulte, un simulacre de coup de poing, de
coup de pied qui la faisait se recroqueviller craintive. Et Luigi rentrait par
les raccourcis, qui à travers les pins descendent vers la vieille ville. Il lui
fallait bien regagner la maison Merani. Le plus tard qu’il le pouvait, pour ne
pas rencontrer Vincente ou Lisa. Elle lui parlait à peine se contentant de
dire, le regardant dans les yeux : « Travaille, fainéant, au lieu de
traîner. » Il riait, rejetant ses cheveux en arrière, d’un mouvement
désinvolte mais il mettait un long moment à retrouver son insouciance. Elle lui
donnait à nouveau envie de partir, de pleurer et ce n’était que quand il
s’était éloigné de la rue Saint-François-de-Paule, qu’il racontait à Gigi, qu’il
oubliait Lisa, son mépris.
    Vincente se contentait de l’interroger des yeux, sans jamais
dire un mot mais Luigi n’aimait pas ce regard. Pour ne pas avoir à affronter
Lisa et Vincente il prenait ses repas avant eux, debout dans la cuisine. Quand
ils entraient, il s’essuyait la bouche du revers de la main, il sortait, allait
dans sa chambre ou le plus souvent au Castèu ou à la Crota.
    Assis au fond du café, jouant parfois avec Gigi à la mora,
lançant leurs mains au-devant du visage, criant un chiffre et celui qui gagnait
avait deviné le total des doigts déployés, Luigi attendait que la journée
passe, qu’une fille se présente.
    Chouà parfois lui proposait une place de figurant pour le
soir, au théâtre de l’Opéra. Une aubaine que distribuaient à leurs amis les
protégés du maire. Luigi vers six heures, s’asseyait au milieu des décors avec
les autres figurants. Puis le régisseur en hurlant les faisait avancer sur la
scène à peine éclairée, il montrait les principaux mouvements, il secouait l’un
des figurants, Luigi quelquefois :

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