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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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se glisser dans le café et le
surnom lui était resté « Gobi », Gobi Revelli.
    Pourtant il n’avait plus rien de chétif. Il était au contraire
trapu, le cou large, le visage trop lourd, gras mais les cheveux noirs bouclés
lui donnaient un air léonin, les sourcils très fournis diminuaient encore le
front déjà couvert par les cheveux ce qui accentuait l’impression de force
têtue. À quinze ans Luigi était un adolescent vigoureux, sans élégance mais que
les touristes russes ou anglaises remarquaient.
    Elles entraient au Castèu en revenant de visiter la Tour
Bellanda qui dominait la Baie et qui était le dernier vestige du château fort
détruit sous le règne de Louis XIV « par un duc anglais »,
disait Chouà en leur servant à boire, dehors sur les tables qu’il sortait et
autour desquelles les touristes s’asseyaient avec une désinvolture trop marquée
pour ne pas révéler leur inquiétude. Du vin de Bellet, une colline de l’ouest
de Nice, dans un fiasco, de la tourte de « blea » la bette – avec
des pignons, ou bien à la fin de la matinée une friture pêchée à l’aube, les
tranches de citron, taches jaunes sur le gris foncé des poissons minuscules
encore grésillant d’huile chaude, un ou deux morceaux de pissaladiera, et ils
redemandaient du vin ; détendus, ils posaient des questions un peu comme
on fait l’aumône, cette pyramide au cimetière du château qu’est-ce que c’était ?
Chouà répondait lentement, racontant l’incendie de 1881, l’explosion d’une
herse de gaz juste avant le spectacle, à l’Opéra. La toiture s’était écroulée,
et ce soir-là, on devait chanter Lucia. Les pompiers, les marins, les soldats,
tout le monde s’y était mis, mais 53 morts étaient alignés côte à côte le matin
dans l’église Saint-François-de-Paule. « Ici, les théâtres ça prend
toujours feu » disait-il clignant de l’œil à Luigi, et quelqu’un alors, se
mettait à raconter le tremblement de terre de 86, le lendemain de Carnaval, « Y
en aura d’autres » ; Luigi s’avançait, les mains enfoncées dans sa
large ceinture de cuir, montrant d’un mouvement du menton la direction du nord :
« Le mont Chauve, on dit que c’est un volcan. » Chouà faisait la moue :
« il exagère un peu » semblait-il dire.
    Souvent les voitures attendaient ces Messieurs-Dames, place
Sainte-Réparate. Les gosses du babazouk, se rassemblaient autour d’elles
réclamant quelques pièces ou insultant le cocher, et des mendiants, des
vieilles femmes quittaient l’entrée de la cathédrale dès qu’ils voyaient
s’avancer vers les voitures, ces femmes en longue robe blanche, leur ombrelle
tournant au bout de leurs doigts gantés, ces hommes qui marchaient derrière
elles, le menton levé, avec cette assurance que donne la richesse et la
propriété. Parfois l’une de ces femmes, son ombrelle posée sur l’épaule, le
visage à demi dissimulé par cet écran de toile, paraissait s’adresser à l’un de
ces messieurs en jaquette, dont l’expression changeait alors, devenant,
semblait-il à Luigi, trop douce, servile. Mais il imaginait que cette femme, en
se retournant, c’était lui qu’elle voulait voir, il faisait un pas en avant,
comme s’il s’apprêtait à la suivre, et l’ombrelle tout à coup, dissimulait
entièrement le regard, le visage.
    Luigi retournait au café, passait une partie de sa journée
avec Marcel, Miqueu, Gigi, d’autres jeunes gens qui entre deux chantiers
attendaient la chance, vivant de menus travaux, tirant un charreton, employés
municipaux le temps d’une élection, chargés de créer quelques bousculades dans
les réunions du candidat opposé à celui qui les payait. Luigi, c’était le
garçon à tout faire de Monsieur le Député Merani. On le savait et comme Merani
était puissant, au mieux avec le Préfet et donc avec la police, on respectait
Gobi Revelli. À la Crota, Tacco lui offrait le verre de l’amitié dès qu’il
entrait, cherchant à obtenir pour tel ou tel de ses amis, un petit service. « Dis-lui
un peu, Gobi, à ton Merani… »
    Luigi Revelli écoutait, surpris d’abord de découvrir que ces
vieux le traitaient avec respect, puis jouant de sa situation, exagérant son
rôle, faisant comprendre à demi-mot que Merani l’aimait comme un fils, et tout
le monde savait à Nice que le fils Merani était mort.
    Mais à la Feniera, Ugo, le patron, un homme d’une
cinquantaine d’années, silencieux,

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