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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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plusieurs
fois pour accrocher les mots les uns aux autres, comprendre les phrases qui
s’émiettaient. Elle avait levé les yeux et derrière Marcel, elle avait vu
Carlo, sa silhouette que le soleil découpait, et elle imaginait qu’ainsi devant
Anna Karénine, avait surgi l’ombre de la machine.
    Elle avait renvoyé Marcel, dit, mais qui parlait, que
Frédéric était absent, parti avec Peggy Wood, une excursion à Monaco, elle tendait
les mains pour qu’on les noue, et l’envie de vomir, ce battement qui
grandissait.
    Carlo posait sur le bureau la canne et une enveloppe jaune.
Il disait :
    — Je dois ça à votre frère.
    Puis il avait fouillé dans sa veste, sorti une boîte de
cigares :
    — Ça aussi, vous lui direz, j’ai trouvé les mêmes.
    Il serrait les objets les uns contre les autres, la canne,
l’enveloppe, les cigares, elle replaçait le livre dans la bibliothèque :
    — Je ne sais pas, dit-elle.
    Et elle avait étouffé, la main se posant sur ses lèvres, le
bras lui entourant la taille, la pliant, la serrant contre des jambes, une
odeur de sueur, le battement, la terre qui s’ouvrait, cette chaleur gluante
dont elle sortait pour respirer, ouvrant la bouche mais aucun son ne naissait,
étouffé en elle, dans sa gorge par ce caillot de sang.
    Elle était couchée sur la bergère. Le cou lui faisait mal,
comme si on l’avait serré. Elle eut froid sur le ventre, les cuisses, mais elle
n’osait pas bouger les bras, le droit qu’elle avait replié sur son visage, dont
elle couvrait ses yeux, le gauche dont elle protégeait ses seins. Il y eut un
bruit, près d’elle, un verre qui tintait. Une main soulevait sa nuque, elle
sentait contre ses lèvres, ses dents le bord du verre, et l’alcool la brûla,
glissant dans sa bouche, la forçant à se redresser.
    — Buvez, dit Carlo.
    Elle bougea, osant déplier ses bras, poser ses mains sur son
ventre nu, toucher avec ses doigts, entre ses cuisses, cette plaie gluante,
humide, qui lui donnait envie de vomir. Il y eut d’autres doigts qui
s’emparaient d’elle, une paume qui écrasait, brûlait, qui la forçait à ouvrir
la bouche, à haleter. Et elle respirait mieux, comme si s’accordaient enfin les
rythmes contraires des battements qui se heurtaient en elle. Elle sentit sa
robe à nouveau, sur ses jambes. Elle ne bougeait pas, n’ouvrant pas les yeux,
la voix de Carlo contre son oreille, et elle avait envie de rire, Carlo qui
disait : « Viens me voir, viens ou je reviens si tu veux, viens… »
    Helena, cette voix en elle, ces secousses qu’elle provoquait
quand elle surgissait de sa mémoire, rythmée, brûlante.
    — Qu’est-ce que tu as ? demandait Frédéric qui la
surprenait alors qu’elle était revenue s’allonger dans la bergère et qu’il
rentrait avec Peggy.
    — C’était extraordinaire, disait Peggy, cette route en
corniche, on a l’impression d’être un oiseau, on voit la rade, la baie, le cap,
et cette mer.
    Elle soupirait, enlevait sa capeline qu’elle lançait sur
Helena.
    — Helena, ma petite Helena, vous n’avez pas bougé, vous
êtes folle, il fallait venir.
    — Ah, je comprends, disait Frédéric.
    Il ouvrait l’enveloppe, comptait l’argent.
    — Tu l’as vu ? demandait-il à sa sœur.
    Elle disait oui d’un geste de la tête.
    — C’est notre bandit, expliquait Frédéric à Peggy,
comme dans Dumas, Edmond Dantès qui revient, riche et paie ses dettes, et je
suis le bienfaiteur, mais oui Peggy, le bienfaiteur. Les romans, nous autres,
Helena et moi, nous les vivons chaque jour.
    Frédéric jouait avec sa canne, comme s’il s’était agi d’un
fleuret.
    — Il te fait toujours peur, dit-il en touchant Helena.
    Elle se leva d’un bond, secouée par un sanglot silencieux,
traversant en courant la bibliothèque, les mains sur sa poitrine, son chignon
se défaisant d’un seul coup, laissant échapper les longues mèches qui lui
descendaient dans le dos, claquant la porte, cependant que Peggy, s’approchait
de Frédéric, lui prenait les poignets :
    — Laisse-la, disait-elle, laisse-la.
    Il était revenu, l’aboiement d’un chien dans le parc, Helena
s’éveillait, ne voulant pas ouvrir les yeux, mordant le drap, il lui semblait
entendre le souffle d’une respiration, un pas sur le balcon, elle allait crier,
il fallait qu’elle crie, mais déjà la main fermait sa bouche, un doigt qu’il
glissait entre ses lèvres, pour la forcer à desserrer les dents, à lâcher le
drap,

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