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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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et elle ne savait plus, elle refusait de limiter le cauchemar, le vrai,
le faux, s’obstinant à rester aveugle, ses mains pourtant apprenant à connaître
la cambrure de ce corps d’homme musclé, le creux que traçait la colonne
vertébrale, et l’odeur, si forte, comme celle d’une terre trempée. Helena
n’ouvrait pas les yeux, mais tout son corps était regard, ses cuisses que Carlo
écartait du genou, et Helena voyait ce genou, elle voyait les jambes brunes,
nerveuses, elle voyait ces bras qui glissaient sous son dos, ses reins
apprenaient à connaître la poitrine contractée de Carlo qui se gonflait et se
détendait brutalement dans un cri étouffé.
    — Je te veux ailleurs, disait Carlo, viens, viens me
voir.
    Il lui mordait l’oreille, il avait son coude sur son sexe et
de ses doigts il caressait la pointe de ses seins.
    — Je veux que tu viennes, répétait-il, il n’y aura que
toi et moi.
    Il était le seul à parler, elle était incapable de prononcer
un mot, et quand elle était entrée, au début d’un après-midi, dans une pension
près du port, elle avait, aussitôt que la porte de la chambre, derrière elle,
s’était refermée, compris qu’elle ne pourrait pas lui parler, le voir. Elle
n’avait eu que la force de demander à la femme :
    — La pension Oberti ?
    La femme la dévisageait, inexpressive, détaillant la robe et
disant :
    — C’est pour Carlo Revelli ?
    Helena la suivait, la femme poussait une porte, chambre
vide, Helena voulait s’enfuir, mais la femme tirait déjà la porte disant :
    — Il vient.
    Helena s’adossait au mur, fermait les yeux et Carlo entrait,
son souffle, cette odeur, il la prenait par les épaules, les mains glissaient
sur elle, il posait sa tête sur son ventre, il serrait ses jambes entre ses
bras, et elle mettait ses doigts dans ses cheveux, mais elle ne lui parlait
pas, elle refusait de le voir. C’était la dernière fois, imaginait-elle. Elle
se laissait déshabiller, porter sur le lit, puis plus tard, alors qu’il était
allongé près d’elle, qu’il laissait la main sur son ventre, il fallait bien
qu’elle dise :
    — Allez-vous-en, allez-vous-en !
    La main se crispait sur elle. Il fallait qu’elle s’en
délivre.
    — Allez-vous-en, ou je ne reviens plus.
    Il hésitait. Il la mordait. Il murmurait dans son oreille en
italien des mots qu’elle ne comprenait pas. Mais il partait. Alors elle ouvrait
les yeux, cherchait ses vêtements, plongeait ses mains dans l’eau glacée, et
elle sortait dans le couloir, apercevant une grande salle, la femme assise
devant la table, indifférente. Elle courait jusqu’à l’église du port, elle
s’étouffait, elle montait dans la voiture, se mettant dans un coin comme si
elle craignait maintenant d’être reconnue.
    — Rentre vite, disait-elle à Marcel.
    Quand ils avaient franchi le pont Barla, qu’elle apercevait
enfin les platanes du boulevard, les jardins qui entouraient les villas et les
grands hôtels, alors elle se calmait, lasse, répétant pour elle-même : « …c’est
un roman, je suis folle… » fière de le vivre pourtant, et malheureuse et
honteuse.
     
    Un été, elle avait accompagné Frédéric et Peggy en Suisse,
après leur voyage de noces, en Italie comme il se doit. À Saint-Moritz ils
étaient descendus au Grand Hôtel du Lac, au milieu des sapins. Le matin, Peggy
et Frédéric venaient la chercher, ils jouaient au tennis avec Gustav Hollenstein,
un jeune Viennois, très brun, correspondant à Paris du journal autrichien Neue
Freie Presse. Il entourait Helena de prévenances, une cour distante et
affectée. Peggy le soir, prenant Helena par le bras, l’interrogeait.
    — Raconte-moi, que t’a-t-il dit ?
    Elles faisaient toutes les deux de longues promenades qui calmaient
Helena, les eaux du lac modelant, courbant les reflets des lumières des hôtels.
Parfois Frédéric et Gustav les précédaient et elles se taisaient, écoutant les
éclats de voix, Gustav disant que depuis l’affaire Dreyfus, il savait que « le
ver était dans le fruit de notre culture. Et je plaçais la France au-dessus de
tout, n’est-ce pas, je les croyais différents de vos Russes, de vos Polonais,
mais non, Frédéric, comme tout le monde ».
    Frédéric répondait, parlant lentement ; le cigare,
point rouge près des lèvres.
    — Russes, Polonais, Français, des catégories fictives,
superficielles, disait-il, lisez Marx, quant à la France finalement, Dreyfus,
il y

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