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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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l’hôpital
de Rivadaria dans le service dont il était le directeur. Alors, Sarah et ses
amis prirent un peu de repos.
    Le surlendemain les journaux firent état en
quelques lignes d’une bagarre à Los Immigrante ayant provoqué la mort d’une
femme munie d’un passeport argentin au nom de Maria Escalada. Une photo
illustrait l’article de La Prensa.
    — Ce n’est pas Rosa Schaeffer, dit
Samuel.
    — C’est Ingrid Sauter. La grosse Bertha
court toujours, ajouta Sarah.
    — Elle n’est pas la seule. Un de mes
confrères, le docteur Pino Frezza, qui faisait partie pendant la guerre de la
suite de Mussolini, a déclaré à son ambassade avoir rencontré Martin Bormann
non loin de la brasserie munichoise « A.B.C. », rue Lavalle. Prévenues,
les organisations juives argentines ont fait effectuer des enquêtes, sans
succès jusqu’à ce jour. Bormann est introuvable. Sous couvert de la Capri, dirigée
par l’Allemand Karl Fuldner, les comités d’accueil, le trafic des faux
passeports, notamment à San Isidro, sont tout à fait au point. Dans le journal Der Weg , dont les premiers numéros ont paru l’année dernière, le professeur
Johannes von Leers, chef de la propagande antisémite de Goebbels, célèbre pour
avoir publié Die juden sehen dich an [64] ,
a repris ses attaques contre les juifs et sa propagande en faveur du
nazisme, tantôt sous le pseudonyme de docteur Euler, tantôt sous son vrai nom. Nous
savons qu’il est en rapport avec les chefs nazis en fuite et qu’il entretient
une importante correspondance avec l’Autriche et l’Allemagne. Son appartement
du 863 Martin-Haedo y Vincente Lopez est sous surveillance. Il est au
mieux avec des personnalités péronistes très haut placées. Ils sont ici comme
des poissons dans l’eau. Mais il ne faudrait pas croire que tous les Argentins
sont pronazis. Il faut se rappeler la joie des habitants de Buenos Aires à l’annonce
de la libération de Paris. De nombreux députés de l’opposition interviennent au
parlement pour dénoncer les services officiels qui emploient d’anciens nazis, notamment
un de mes amis, le docteur Augustin Rodriguez Araya, et Sylvano Santander…
    — Sait-on où est Rosa Schaeffer ? dit
Sarah en interrompant Ricardo Lopez.
    — Nous avons retrouvé le taxi, vide
bien sûr, il avait été volé. Le propriétaire a porté plainte à la police qui l’a
interrogé un peu brutalement. Le pauvre homme ne savait que dire : Me
robaron a Mi… Me robaron a Mi… [65] il est actuellement en réanimation
à l’Hôpital Espagnol.
    — Vous le croyez complice ? demanda
Tavernier.
    — C’est possible. Il a pu louer son
taxi et déclarer qu’il avait été volé. Un de mes confrères doit m’appeler dès
qu’il aura repris connaissance. Quant à Rosa Schaeffer, après la fusillade, elle
n’a pas pu s’embarquer : nous sommes à peu près sûrs qu’elle n’a pas
quitté Buenos Aires. Nos meilleurs agents campent sur les lieux fréquentés par
les nazis et leurs complices. Inévitablement, à un moment ou à un autre, Rosa
Schaeffer entrera en contact avec l’un d’eux. Nous surveillons tout
spécialement le domicile de von Leers et les bureaux de la Capri. Monsieur
Tavernier, avez-vous appelé l’ambassade de France ?
    — Oui. Personne ne s’est inquiété de
nous, nous allons pouvoir réintégrer notre appartement de Viamonte.
    — Bien. Monsieur Zederman devra venir
reconnaître le corps de son frère et prendre les dispositions pour les obsèques.
    — Courage Samuel, je viendrai avec vous,
dit François.
    — Moi aussi, je viendrai, dit Sarah.
    — Est-ce bien nécessaire ?
    — C’est à moi d’en juger. Je l’aimais
comme un frère, comme un fils, je veux lui dire un dernier adieu.
    — Comme tu voudras.
    La mort de Daniel, si jeune encore, fut
ressentie par tous comme une affreuse injustice.
    Léa était comme brisée par cette mort. Durant
les jours qui suivirent, elle resta presque constamment enfermée dans sa
chambre du « Plaza », allongée sur le lit, les yeux grands ouverts. Après
le drame, elle n’avait revu ni François, ni Sarah, ni Samuel. Carmen venait la
voir chaque jour, essayant en vain de la faire sortir de sa retraite. Victoria
Ocampo voulut la ramener à San Isidro, Léa refusa. Ce fut Ernesto, l’ami
argentin de Daniel, qui la tira de son marasme. Très affecté, il vint chercher
auprès d’elle un réconfort que bien évidemment, il ne trouva pas. Leur

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