Noir Tango
vue. Elle prit
Ernesto par le bras.
— Tu vois ces trois personnes là-bas ?
— Oui.
— Fais cela pour moi. Suis-les, ne les
lâche pas d’une semelle.
— Mais pourquoi ?
— Je ne peux pas t’expliquer maintenant.
Je ne peux pas les suivre moi-même, une d’entre elles me connaît. D’accord ?
— D’accord. Je te retrouve où ?
— Je retourne au « Plaza ». Dès
que tu sais où elles demeurent, viens me rejoindre.
La nuit était tombée depuis longtemps quand
Ernesto frappa à sa porte.
— Alors ?
— Cela n’a pas été facile, ils ont pris
le métro, un tramway, un taxi puis à nouveau le métro. J’ai eu de la chance de
ne pas les perdre.
— Où sont-ils allés ?
— Tiens-toi bien, tout près d’ici, à
Paraguay.
— Tu es sûr ?
— Che, je suis resté sous une
porte cochère pendant près d’une heure, personne n’en est ressorti. Maintenant,
peux-tu me dire ?…
— Ces gens sont responsables de la mort
de Daniel, ce sont des nazis.
Il resta un instant stupéfait.
— à mon tour de te demander : tu en es sûre ?
— Oui. Excuse-moi, je ne peux pas t’en
dire davantage. Peut-être même t’en ai-je déjà trop dit.
— Tu n’as pas confiance en moi ?
— Ce n’est pas cela, mais ces gens sont
très dangereux.
Léa appela Sarah ; personne ne répondit.
Elle détacha ses cheveux qu’elle portait en
chignon et les secoua comme pour se libérer de leur poids.
— Que tu es belle !
— Viens t’allonger près de moi, je suis
fatiguée et je voudrais dormir.
— Dormir ?…
Ils ne s’endormirent que beaucoup plus tard.
Ce fut la sonnerie
du téléphone qui les réveilla.
— Allô, dit Léa en bâillant.
— Excuse-moi, mon amour, je te réveille ?…
Je voulais savoir comment tu allais… Sarah t’a remis ma lettre ?… Je t’aime…
tu me manques… Allô !… tu m’entends ?
— Oui.
— Tu n’es pas seule ?
— Non, ce n’est pas ça.
— Excuse-moi de t’avoir dérangée.
À Mendoza, François raccrocha rageusement. Léa
le fit lentement, à regret. Ernesto la regardait d’un air interrogateur. Discret,
il ne posa pas de question.
— Il est tard, je dois rentrer, ma
tante et mon frère vont s’inquiéter.
Elle se blottit dans ses bras.
— Je suis bien avec toi.
Il la contempla d’un regard qui semblait
lire en elle. Une fois habillé, il lui dit :
— À demain ?
Léa répondit par un petit geste de la main.
28.
Tard dans la matinée, Léa fut réveillée par
le téléphone ; Samuel demandait à la voir. Elle répondit qu’elle
descendait. Un quart d’heure plus tard, elle était dans le hall.
Samuel attendait, assis dans un fauteuil, indifférent
au va et vient des clients de l’hôtel, le regard vague, les mains abandonnées. Quel
changement chez lui aussi ! L’émotion laissa Léa quelques instants
immobile. Ce fut ce moment que choisit Rik Vanderveen pour s’approcher. Léa n’avait
plus eu de nouvelles de lui depuis leur fuite del’ estancia Ortiz.
En le voyant, une peur folle la paralysa.
— Bonjour, ma chère, vous n’avez pas l’air
heureuse de me revoir ?… Nos amis ont été un peu étonnés par votre départ
précipité. Comment va madame Tavernier ?… mieux à ce qu’on m’a dit… Et ce
cher monsieur Tavernier ?… un excellent pilote.
Pendant ce monologue, Samuel s’était levé et
se tenait à l’écart, regardant des dépliants publicitaires. Léa comprit ; il
ne fallait pas que Vanderveen fasse un lien entre le frère de Daniel et elle. Elle
parvint à sourire.
— Bonjour Rik… Je suis surprise, je ne
m’attendais pas à vous voir. Vous allez bien ?
— Comme vous le voyez, je suis dans une
excellente forme, le climat argentin me réussit. À vous aussi, semble-t-il… Vous
êtes chaque fois plus belle.
— Merci.
— Je suis pour quelques jours à Buenos
Aires, me ferez-vous plaisir de déjeuner ou de dîner avec moi ?
— Bien volontiers, mais je suis prise
aujourd’hui et demain.
— Alors, disons après-demain pour dîner ?
À neuf heures ?… Cela vous convient ?
— Oui, oui, très bien. Où êtes-vous
descendu ?
— Ici, bien évidemment. Nous dormons
sous le même toit. Je vous laisse, un rendez-vous important. N’oubliez pas… après-demain ?…
Je compte sur vous.
Rik Vanderveen remit sa clef au concierge et
sortit de l’hôtel après avoir fait un geste de la main à Léa.
Elle avait beau se
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