Noir Tango
vers Carmen et
Uri. S’il fut sur- pris de voir Léa, il ne manifesta rien, enfourcha sa moto et
s’en alla avec un geste d’adieu.
La jeune Argentine saisit son amie par le
bras.
— Je n’ai pas pu prévenir les autres à
part Uri : Daniel a disparu…
— Enlevé ?
— Non, il est parti rejoindre Sarah.
— Comment le sais-tu ?
— Vers vingt et une heures ce soir, je
suis sortie faire une course. Quand je suis revenue, j’ai trouvé le camarade de
garde devant la porte assommé et celui de l’appartement enfermé. Sur la table, un
mot de Daniel disant qu’il rejoignait Sarah.
— C’est tout ?
— Che ! il ne m’a pas écrit
un roman !
— Mais blessé comme il l’est !… et
Sarah, où est-elle ?
— Je n’en sais rien.
— J’ai l’impression que l’on nage en
pleine incohérence… Attention, le taxi démarre.
Elles le suivirent des yeux : il fit le
tour de la place et passa devant les deux jeunes filles qui se rejetèrent dans
l’ombre.
— Carmen…
— Oui ?
— L’homme qui est à côté du chauffeur…
— Che ?
— C’est Jones, un de ceux qui ont
torturé Daniel.
— Tu es sûre ?
— Oui, il était à bord du bateau. Que
doit-on faire maintenant ?
— On prend un taxi et l’on va avenida de Los Immigrantes dans une esquina.
Les dockers et les marins buvant dansl’ esquina restèrent bouche bée en voyant entrer deux belles filles seules.
— ¡ Que churrasca !
— ¡ Que taquerea !
— ¡ Que hembraje !
Mains sur les hanches, Carmen fit face :
— Hijos de puta impotentes, callensse
la boca bastardos solo tierren huevas para insultar a las imperes… [54]
— Dejá, Carmen, no son mala gente.
Señores, esta chica es mi Sobrina y su amiga es… mi sobrina también. [55]
— Discúlpanos Juan, no to podíamos
adivinar. [56]
— Tienes suerte de tener sobrinas
tan bien rellenas. [57]
Les buveurs retournèrent à leurs verres. Juan
fit passer « ses nièces » derrière le comptoir.
— ¿ Y esta, quién es ? [58]
— Note te preocupes, es una amiga. [59]
Elles passèrent dans une arrière-salle
encombrée de caisses. L’homme désigna une lucarne.
— Da a la calle que es
perpendicular a la avenida de Los Inmigrantes. De all í preden vigilar todo. [60]
— Gracias. [61]
L’homme sortit, refermant la porte derrière lui.
— Ils ne vont pas tarder à arriver. Au
bout de l’ avenida c’est le quai d’embarquement. Les voilà.
Un taxi venait de s’arrêter. Le chauffeur et
Jones descendirent et regardèrent autour d’eux puis se dirigèrent vers l’ esquina. Les portières arrière restèrent fermées.
— Que font-elles ? demanda Léa. Pourquoi
ne descendent-elles pas ?
— Tais-toi, laisse-moi écouter… Le
chauffeur parle à quelqu’un, ce n’est pas au patron… Ils ont un complice dans
la salle…
— Alors, il nous a vues ?
Une moto s’arrêta… une silhouette traversa
la rue… une voiture freina, puis une autre… un bruit de chaises renversées, de
verres brisés… des cris… une femme sortit du taxi… un coup de feu… elle s’écroula…
la voix de François Tavernier…
— Attention, ils s’enfuient…
Le chauffeur et Jones coururent vers le taxi,
pistolet au poing… dans la lumière d’un réverbère, Sarah avec une mitraillette…
une rafale… Jones tomba… le chauffeur démarra… on se battait dansl’ esquina… Tavernier tirait en direction du taxi… Jones se redressa… Daniel…
— Daniel ! cria Léa.
Jones tira… un coup de feu l’abattit… Daniel
à terre… François se penchait vers lui… bousculant Carmen, Léa ouvrit la porte…
un homme tenta de la retenir, elle s’arracha à son étreinte… Uri monta sur sa
moto et se lança à la poursuite du taxi… Samuel tomba à genoux… des hommes
quittaient l’ esquina à toutes jambes… Sarah s’approcha, mitraillette
tendue près du corps de la femme allongée sur le ventre… du pied, elle la
retourna…
— Non, Sarah !
…Elle n’entendit pas Léa… elle n’entendait plus
rien… tirait par rafales… le corps sursautait… monstrueuse danse de saint Guy… Sarah
riait… pétrifiée, Léa regardait… oubliant le danger… fascinée par le ballet
affreux exécuté sous ses yeux… des sirènes…
— Vite, la police !…
Léa s’arracha à sa morbide contemplation… François
tirait Sarah par le bras… Sarah qui riait, riait… pourquoi
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