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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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heures ?
    — D’accord, j’y serai. Sois sage.
    Franck évita de justesse la chaussure lancée
par son amie.
    — Oh, pardon
monsieur !
    Laure, dans le hall de l’hôtel Pont-Royal, venait
de bousculer un homme vêtu avec recherche ayant à son bras une jeune femme non
moins élégante.
    — Ce n’est rien, mademoiselle.
    — François !… vous ne me
reconnaissez pas ?… Laure… la sœur de Léa !…
    — Laure ! la petite Laure !… Ma
chère, je ne vous aurais pas reconnue. Vous voici devenue une vraie Parisienne !
Quel chic, n’est-ce-pas ? dit-il en se tournant vers sa compagne.
    — Tout à fait, fit celle-ci avec un
sourire moqueur.
    — Laure, je ne vous présente pas madame
Mulstein. Vous vous connaissez, je crois ?
    — Oui, murmura-t-elle en rougissant
sous son épais maquillage.
    — Vous avez rendez-vous avec quelqu’un ?
demanda Tavernier.
    — Non, c’est vous que je venais voir… mais
cela peut attendre…
    — Sarah, voulez-vous m’excuser quelques
instants ?
    D’un signe de tête elle donna son
assentiment.
    François prit Laure par le coude et l’entraîna
vers un canapé.
    — Asseyons-nous, je n’ai pas beaucoup
de temps. Dites-moi ce qui vous amène ?
    — Oh rien ! pas grand-chose.
    — Mais quoi encore ? S’agit-il de
Léa ?
    — En quelque sorte… voilà… j’avais
pensé que nous pourrions aller ensemble à Montillac. Ainsi mes tantes n’oseraient
rien dire en me voyant repartir avec vous.
    — Vous n’avez donc pas envie d’y
demeurer ?
    — Oh, surtout pas !
    Cela fut dit avec une telle conviction qu’il
ne put s’empêcher de sourire.
    — C’est pourtant un bel endroit, la
maison de votre enfance…
    — C’est un trou !… C’était très
bien quand j’étais enfant !… à l’idée de m’enterrer là-bas, je me sens mourir.
    — Léa y est bien.
    — Léa, ce n’est pas moi. Qui vous dit d’ailleurs
qu’elle y soit si bien ?… Moi, je suis sûre du contraire. Léa n’est bien
nulle part. Il y a trop de mauvais souvenirs à Montillac. Elle fait les gestes
de la vie quotidienne, mais je sens bien qu’elle fait semblant.
    — Vous êtes sûre de ce que vous dites ?
    — Presque. Pourquoi n’allez-vous pas la
chercher ? Vous êtes le seul à pouvoir lui faire oublier…
    — Oublier !… C’est un mot qu’on
emploie beaucoup depuis un an ! Oublier ! Vous ne croyez pas que moi
aussi je voudrais oublier et Sarah, celle qui vous fait peur, vous ne pensez
pas qu’elle aimerait oublier ? Mettez dans votre cervelle d’oiseau qu’il
est des choses que l’on ne peut oublier, que l’on ne doit pas au prix de sa vie,
de l’amour même…
    Laure connaissait mal François Tavernier et
ne l’avait jamais vu en colère. Très pâle, il l’avait prise par le bras pour
mieux lui faire entendre ce qu’il disait et la serrait si fort qu’elle ne put
retenir un gémissement.
    — Excusez-moi, je vous fais mal. Je
suis un vieil imbécile. Pardonnez-moi, c’est normal qu’une gamine cherche l’oubli
des horreurs commises par les adultes. Nous sommes mal placés pour vous donner
des leçons.
    — C’est exactement ce que nous pensons,
mes copains et moi. Nous n’avons de leçons à recevoir de personne, dit-elle en
se frottant le bras. Hitler est mort, n’est-ce-pas ?
    — Lui, peut-être, le nazisme, non.
    Les clients de l’hôtel, qui passaient devant
cette jolie fille mise à la dernière mode et cet homme si bien habillé malgré
les restrictions, ne pouvaient en aucun cas imaginer la teneur de leur
conversation. Ils pensaient à une querelle d’amoureux.
    — Et alors, ce n’est pas une raison
pour m’empêcher de vivre.
    Quelle enfant ! son air boudeur la
faisait ressembler à Léa, mais une Léa égoïste et futile.
    — Votre guerre, continua Laure, nous a
appris que la vie était courte et fragile. Je ne veux pas d’une vie aussi
ennuyeuse que celle de mes sœurs.
    — Vous croyez que Léa s’ennuie ? dit-il,
soudain inquiet.
    — Ça ne vous paraît pas normal qu’une
fille de son âge s’ennuie dans ce coin avec pour seule compagnie mes tantes qui
sont bien gentilles mais pas très rigolotes, Françoise qui pleure tout le temps
et deux mômes braillards et insupportables ? Je voudrais bien vous y voir !
Heureusement que Jean Lefèvre est revenu et qu’il vient à Montillac presque
tous les jours.
    Pas dupe de la perfidie, François Tavernier
sourit.
    — C’est heureux pour

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