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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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n’était
pas dans sa nature. Plus que jamais il aimait Léa et rêvait d’en faire sa femme.
Il connaissait sa liaison avec François Tavernier et cela l’empêchait de se
déclarer ; il redoutait un refus et de l’entendre dire qu’elle en aimait
un autre. Elle lui avait fait part des sentiments d’Alain Lebrun pour Françoise
et demandé d’organiser une sortie au Pyla, où les Lefèvre avaient une villa en
bord de mer. On était en juin : quoi de plus naturel que d’avoir envie d’aller
se baigner dans l’Océan ? Comme il était impossible à Léa de trouver une
raison pour ne pas emmener les deux petits garçons, ils partirent tous les six
un samedi à l’aube dans la nouvelle voiture de Jean, une Citroën traction avant
de 15 chevaux. En voyant la grosse voiture noire s’arrêter devant la maison, Léa
avait eu un mouvement de recul, s’attendant presque à en voir surgir Maurice
Fiaux et ses miliciens.
    On avait chargé le coffre de l’automobile de
paniers remplis de victuailles par les soins de Ruth et d’Albertine ; les
femmes étaient montées à l’arrière avec les enfants, les hommes devant. À Villandraut,
c’était jour de foire. Malgré l’heure matinale, la ville était encombrée de
charrettes, de camionnettes, de troupeaux de moutons et de chèvres ; des
cageots s’échappaient les piaillements de la volaille et des tombereaux, les
grognements des porcs. Dans la douce lumière du matin, chacun allait sans hâte
vers ses affaires. Passé la ville, la route filait droit à travers la forêt des
Landes. Léa eut un serrement de cœur en pensant aux jours passés dans ces bois,
cachée, avec Camille et Charles. Bien que tout petit à l’époque, Charles se
souvenait-il ? Il ne disait rien, regardant, sérieux et attentif, les
arbres qui défilaient de chaque côté de la route.
    — C’était par là, la palombière du père
Léon ? demanda-t-il soudain.
    Léa sursauta et Jean Lefèvre fit une
embardée. Transmission de pensées ?… Tous les trois songeaient à la même
chose.
    — Tu te souviens de la palombière du
père Léon ? demanda Léa.
    — Pas très bien, il y avait toi et
maman. C’était par ici n’est-ce pas ?
    — Oui, mon chéri, ce n’est pas très
loin, je crois.
    Charles détourna la tête et, blotti contre
la portière, parut s’absorber dans la contemplation du paysage. Sur les genoux
de sa mère, Pierre s’était endormi. Ils roulèrent un long moment en silence.
    Enfin, la route, si droite, qui semblait ne
mener nulle part, s’incurva après le hameau de Lamothe ; Léa poussa un
soupir de soulagement ; du plus loin qu’elle se souvînt, la traversée des
Landes avait toujours été pour elle, contrairement à ses parents et à ses sœurs,
un parcours oppressant. Devant ces forêts de pins tous semblables, elle
éprouvait un sentiment d’angoisse qu’elle ne s’expliquait pas.
    À la sortie d’Arcachon, ils s’arrêtèrent
chez madame Roussel qui avait les clefs de la villa.
    — Monsieur Jean, c’est un bonheur de
vous revoir après toutes ces années ! Et le pauvre monsieur Raoul ! Quel
grand malheur ! Et madame Lefèvre, la chère dame, quelle tristesse !
    Jean parvint avec peine à échapper au
bavardage affectueux de la gardienne.
    La maison, occupée pendant la guerre par les
Allemands, n’avait pas trop souffert, elle s’était éteinte. C’est le mot qui
vint à l’esprit de Léa qui, sans même s’en rendre compte, le prononça à voix
haute. Son ami la regarda avec étonnement.
    — C’est exactement l’impression que j’ai…
Tu te souviens la dernière fois que nous sommes venus, c’était juste avant les
fiançailles de Camille et de Laurent.
    — Il me semble qu’il y a une éternité !
    — Attention ! ne nous laissons pas
aller à la mélancolie : il fait beau et tu es si belle !
    — N’est-ce-pas, fit-elle en tournant
sur elle-même.
    — Léa, Léa, viens vite, allons voir la
mer, s’écria Charles en la bousculant.
    — Pierre, voir la mer aussi.
    Jean l’attrapa et le jucha sur ses épaules. Le
petit garçon poussait des cris de joie. Léa, tenant Charles par la main, était
partie en courant.
    — Françoise, Alain, vous venez ?
    — Je vous rejoins plus tard. Prenez
bien soin de Pierre.
    — Je reste aussi, dit Alain Lebrun.
    — Comme vous voudrez. Tiens-toi bien
cavalier, je suis Lumière de Feu, le cheval le plus rapide du monde… Tagada, tagada,
tagada…
    Tenant

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