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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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elle. Je vois mal
Léa se passer de la compagnie des hommes…
    — C’est tout l’effet que ça vous fait, dit
Laure d’un ton dépité de petite fille. Et en plus, ça vous fait rire !…
    — C’est vous qui me faites rire.
    — Oh !…
    — Je règle quelques affaires à Paris et
jeudi ou vendredi prochain, j’irai à Montillac.
    — Vous m’emmenez ?
    — Promis. Je vous fais signe dès que je
suis prêt.
    — Merci, je compte sur vous.

9.
    Albertine de Montpleynet voyait avec
tristesse Françoise s’enfoncer dans une mélancolie de plus en plus profonde. La
jeune femme restait de longs moments prostrée, le regard vide, sans forces et
sans pensées. Quand elle ne considérait pas le monde autour d’elle avec
indifférence, elle semblait ne le percevoir qu’avec une totale aversion et n’avait
de goût à rien ; son enfant même n’arrivait pas à l’égayer. Seule la
présence calme du nouveau régisseur parvenait à la sortir de son isolement. Peu
à peu, entre les deux jeunes gens, une sorte d’amitié s’établit qui devint très
vite de l’amour chez Lebrun, sentiment qu’il n’osait pas exprimer tant il
sentait Françoise éloignée de tout penchant similaire.
    Alain Lebrun connaissait son histoire. Sans
doute son long séjour en Allemagne, dans une maison tenue par des femmes, lui
permettait-il de comprendre les liens qui pouvaient se tisser entre ennemis. À maintes
reprises, il avait pris sa défense dans les cafés, les assemblées où il se
trouvait aller ; il avait même fait le coup de poing avec un viticulteur
de Cadillac qui se répandait en insultes contre « ces putains qu’on aurait
dû fusiller après les avoir tondues ». Comme Albertine, il s’inquiétait de
son humeur sombre et s’ingéniait à la distraire, n’y réussissant que trop rarement.
    Pourtant, un jour, il avait bien cru y
parvenir : il l’avait emmenée à la foire de Duras pour l’achat d’oies et
de canards dont il voulait faire un petit élevage. À l’issue de la foire, ils
avaient déjeuné dans un bon restaurant de la ville. Là, pour la première fois
depuis qu’il la connaissait, elle s’était montrée souriante et détendue. Au
retour, ils s’étaient arrêtés pour admirer le panorama et faire quelques pas
sur la route. Ils étaient entrés dans un bois au sol tapissé de mousse, s’étaient
assis savourant l’ombre après la chaleur. Ils étaient restés silencieux, d’un
silence sans tension, amical. De sa main, Alain lui avait touché doucement l’épaule.
Enhardi par son manque de réaction, il l’avait attirée à lui et avait posé sur
sa tête aux cheveux courts un léger baiser. À ce contact, elle avait sursauté
et s’était relevée d’un bond, pâle, le regard perdu.
    — Rentrons, avait-elle dit d’une voix
sèche.
    Ils avaient fait la route en silence, lui
blessé, elle les lèvres serrées, raidie dans sa souffrance.
    Arrivés à Montillac, ils s’étaient quittés
sans un mot.
    Pendant plusieurs jours ils ne s’étaient
adressé la parole que par nécessité professionnelle.
    Albertine, qui avait deviné les sentiments
du régisseur et avait remarqué que Françoise semblait prendre plaisir à sa
compagnie, s’était laissée aller à rêver d’une union possible. Ce brusque
changement d’attitude la désorientait.
    Un soir, après son travail, Alain Lebrun
frappa à la porte de Léa et demanda à lui parler. Étonnée du ton sérieux de la
demande, elle le fit asseoir sur le fauteuil en face du bureau de son père.
    — Qu’avez-vous, Lebrun ? Vous en
faites une tête.
    — Mademoiselle Léa, je viens vous
donner ma démission.
    — Votre démission !… Pourquoi, le
travail ne vous plait pas ?
    — Ce n’est pas ça, mademoiselle… En
fait cela ne dépend pas de moi.
    — Je ne comprends pas, expliquez-vous. En
avez-vous parlé à Françoise ?
    — Justement…
    — Quoi ? Justement.
    — Françoise… enfin je veux dire madame
Françoise… C’est à cause d’elle… Je voulais vous demander votre avis.
    Alain se tut et resta silencieux.
    — Eh bien parlez, quel avis voulez-vous
que je vous donne ?
    — C’est difficile à dire… Pensez-vous… que…
madame Françoise…
    — Quoi, madame Françoise ?
    — … accepterait de m’épouser ?
    Léa le regarda d’un air stupéfait puis
éclata de rire.
    Alain Lebrun blêmit et se leva.
    — Mademoiselle, je ne suis pas homme à
me laisser humilier ni

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