Nostradamus
liberté, dit Roland.
Nous nous battrons, je vous le jure. Je désire vous étriper.
Voulez-vous m’accorder huit jours ?
– Soit ! gronda Beaurevers, à
regret. Où ?
– Dans huit jours, venez me trouver en
mon hôtel.
Beaurevers lâcha Roland, qui reprit aussitôt
sa course furieuse. Puis, essuyant de son manteau la rapière dont
il fouettait la pluie, il la rengaina et continua son chemin… Son
chemin vers l’hôtel de la grande-prévôté… Son chemin vers
Florise !…
Arrivé à son hôtel, Roland de Saint-André
sella lui-même son meilleur cheval, sauta en selle, et s’élança…
Une heure plus tard, il avait rattrapé la litière de Florise.
IV – LE PARADIS.
Ce n’était pas à la Bastille, mais au
Grand-Châtelet que Roncherolles avait été enfermé après son
arrestation.
Il y avait là un certain nombre de cachots
dont chacun avait son nom. Il y avait le
Fin d’aise,
qui
était rempli de reptiles. Il y avait la
Fosse,
où l’on
vous descendait au moyen d’une corde. Il y avait la
Gourdaine,
où on ne pouvait ni s’asseoir ni se coucher. Il
y avait les
Chaînes,
où l’on vous scellait au mur au moyen
d’un carcan qui emboîtait le cou.
D’autres cachots, où le prisonnier
payait
de cinq à douze sols, étaient moins
horribles : tels la
Boucherie,
la
Grièche,
le
Puits.
D’autres enfin étaient presque logeables. Mais le
prisonnier y
payait
dix livres. L’un s’appelait le
Paradis.
C’est au
Paradis
qu’on avait enfermé
de Roncherolles.
C’était une chambre basse garnie d’un étroit
lit de fer et d’un escabeau. Sur l’escabeau, le moine était assis
et parlait. Le prisonnier était assis et écoutait. Ils avaient tous
deux des faces livides.
Dès le lendemain de l’arrestation, Loyola
avait obtenu le droit de confesser Roncherolles. Ignace de Loyola
disait :
– Vous êtes de la Compagnie. Vous avez
rendu d’importants services à l’ordre. Moi parti, vous en rendrez
de plus importants encore. Vous aurez à surveiller la reine. Vous
aurez à faire exécuter le plan que j’ai dressé pour sauver la
France. Je vous blâme d’avoir désespéré. Vous eussiez dû vous dire
que sur un signe de moi les portes de votre prison s’ouvriraient.
Mais je fais la part de la faiblesse humaine. Debout, soldat de
Jésus ! Vous n’avez le droit ni de pleurer, ni de
désespérer…
– Ma fille ! révérend père, ma
fille ! balbutia Roncherolles.
– Vous avez une fille, et c’est l’Église.
Vous avez une mère, et c’est l’Église. Elle veille. Demain, vous
serez libre.
– Vous espérez donc obtenir du roi…
– Le roi est condamné ! prononça
Loyola.
– Le roi ?… condamné ?… bégaya
Roncherolles. Ah ! tenez, vous mettez trop de joie d’un seul
coup dans ce cœur où il y a eu trop de désespoir. Assister à
l’agonie du roi lâche, du roi félon !… Comment est-il
condamné ?… Et par qui ?…
– Condamné par moi…
Loyola redressa sa taille maigre que le mal
courbait. Roncherolles avait repris sa place. Immobile, il
écoutait, il s’enivrait. Le moine disait :
– Tant que j’ai espéré, je l’ai laissé
vivre. J’ai même calmé les impatiences de Catherine. Mais je me
trompais. Ce roi peut tuer des hérétiques. Il ne tuera pas
l’hérésie. Je rends justice à Henri : il ignore la pitié. Il a
frappé beaucoup. Mais il ne frappera pas le vrai coup. Si cet homme
règne encore dans dix ans, la Réforme triomphe. Ce sont les agents
de l’enfer qui deviennent les maîtres. Depuis hier, Nostradamus est
grand favori de ce roi qui, voilà quelques jours, m’a promis sa
mort.
Au nom de Nostradamus, Roncherolles vacilla.
L’éclair de la haine incendia le fond de ses prunelles. Le moine
sourit.
– J’ai donc condamné le roi,
continua-t-il. Ce que Catherine n’a pas su faire va s’exécuter ce
soir. Tout est prêt. Je n’ai qu’un signe à faire, dans dix minutes,
en sortant d’ici. Demain, Catherine sera régente. Et demain vous
serez libre. Mes heures sont comptées. Et d’ailleurs, je veux
quitter au plus tôt la France. Votre premier soin sera de venir
chez moi pour y recevoir mes instructions. Adieu, monsieur, soyez
implacable, soyez inébranlable, car si Catherine va être régente de
France, vous allez être, vous, régent de Catherine ! Je vous
bénis, mon fils…
Puis il sortit du cachot, dont un geôlier
referma la porte. Comme il allait s’engager sous la voûte et
franchir le porche du
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