Nostradamus
catastrophe.
*
*
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Nostradamus courut à son cabinet, en revint
avec un flacon dont il lui fit boire quelques gouttes. Beaurevers
se mit alors à respirer à coups précipités… Le sang reprenait sa
circulation, il était sauvé, il ne sut jamais que ce jour-là, la
mort l’avait pris à la gorge. Nostradamus dit :
– Elle se retrouvera. Vous la
reverrez…
Beaurevers n’eut aucun étonnement. Il
haleta :
– Je la reverrai ?
– Tu veux savoir où elle est ?…
– Je le veux ! grinça
Beaurevers.
– Je le saurai mardi soir. Et je te le
dirai. Je le jure.
– J’attendrai ici. Tu es mort si tu as
menti.
– Je ne mens jamais. Et tu veux savoir
qui te l’a prise ?
– Pour le faire souffrir, l’égorger de
mes mains, l’étrangler. Oh ! Donne-moi cet homme et prends ma
vie !
– Eh bien, je te le donne. Tu le verras
mercredi.
– Où cela ? rugit Beaurevers.
– Où je t’enverrai !…
Nous avons dit que Roland de Saint-André avait
rejoint la litière qui emportait Florise. Il la suivit de loin.
L’escorte s’arrêta à Villers-Cotterets. Puis, sur le coup de deux
heures se trouva devant Pierrefonds dont elle franchit le
pont-levis.
Quelques masures étaient disséminées au pied
de l’éminence sur laquelle Pierrefonds dressait sa géante
silhouette. Roland s’abrita dans une de ces chaumières et y obtint
des renseignements précis sur la garnison de la forteresse. Au bout
d’une demi-heure, il vit l’escorte, mais non la litière. Roland
savait désormais que Florise n’irait pas plus loin. Il sauta à
cheval, dépassa l’escorte par un raccourci et rentra à Paris, où il
s’enferma dans son hôtel.
Le résultat de ses réflexions fut :
1° qu’il lui fallait lever une petite armée de trente à
quarante hommes déterminés ; 2° que ces gens ne seraient
déterminés et braves qu’en raison directe de la somme d’argent
qu’on offrirait à leur audace ; 3° qu’il fallait agir au
plus tôt ; 4° qu’il lui fallait se procurer le soir même
ladite somme d’argent.
Après cette assurance formelle donnée par
Nostradamus qu’il reverrait Florise et connaîtrait
mercredi
matin
celui qui « la lui avait prise », Le Royal de
Beaurevers s’était soudainement endormi. Peut-être la volonté de
Nostradamus y fut-elle pour quelque chose.
Le soir vint. Neuf heures sonnèrent.
Nostradamus, pénétra dans la chambre de Beaurevers et considéra le
jeune homme endormi. Une infinie douceur se dégageait de cette
noble physionomie où rayonnait le génie. Il murmura :
– Pauvre victime qui va se trouver broyée
entre ma destinée et celle de son père !… Pitié, pitié, que me
veux-tu !…
Pour la vingtième fois, peut-être, la haine et
la pitié se livrèrent quelque formidable bataille dans ce cœur. Une
minute, Nostradamus demeura pantelant. Puis son regard tout chargé
de magnétiques effluves, se dressa vers le ciel. Il eut un sanglot,
un nom fut prononcé par sa voix éperdue de désespoir :
– Marie !…
Puis, par degrés, cette physionomie se calma,
et une implacable froideur s’y étendit. C’était fini. La haine
triomphait. Le fils de Marie et d’Henri était condamné… Le fils
d’Henri !… À ce moment, Djinno s’approcha et
murmura :
– Roland demande à entrer…
Un sourire glissa sur les lèvres de
Nostradamus.
– Voilà la réponse du destin !…
Roland, mis en présence de Nostradamus,
pensait :
– Plutôt que de la savoir à un autre,
j’aime mieux planter moi-même un poignard dans son sein.
Nostradamus, d’un pénétrant coup d’œil étudia
cette physionomie. Il y reconnut les stigmates impurs ; il y
vit la cruauté froide, l’indomptable lâcheté de la force, et, çà et
là, quelques rares traits de courage et de bonté, derniers efforts
de la jeunesse.
– Que me voulez-vous ?
demanda-t-il.
– D’abord une preuve que vous êtes bien
l’homme tout-puissant que vous prétendez être.
– Une preuve ? fit Nostradamus avec
indolence ; eh bien ! soit…
Je vais vous montrer
votre pensée…
La stupeur fit tressaillir Roland. Dans ce
moment, les lumières s’éteignirent. Il sentit qu’on le prenait par
la main. Il suivit sans résistance, décidé à sortir de là avec les
moyens de conquérir Florise, c’est-à-dire avec de l’or. Et tandis
qu’il marchait, il se répétait :
– J’aime mieux la tuer, la poignarder de
mes mains !
J’aime mieux la voir morte,
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