Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
de Ferrare de se rendre à Crémone. Je donne ordre au général Ménard, qui y commande, de compléter leur armement.
Quant aux grenadiers et au piquet de la dix-neuvième, si vous croyez ne pas en avoir besoin pour la Grafagniana, vous les retiendrez à Modène jusqu'à ce que vos opérations soient finies, et immédiatement après vous les renverrez à Milan.
J'oubliais de vous dire qu'il faudra faire prêter au gouvernement de Modène, à la petite ville de Castel-Novo, et à tous les villages qui ont pris part à la révolte, un nouveau serment d'obéissance à la république française.
Mettez de l'éclat, dépêchez-vous, et punissez sévèrement les coupables, afin que l'envie ne leur prenne pas de se révolter lorsque nous pourrions être occupés.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 24 brumaire an 5 (14 novembre 1796).
Au directoire exécutif.
Je vous dois compte des opérations qui se sont passées depuis le 21 de ce mois : s'il n'est pas satisfaisant, vous n'en attribuerez pas la faute à l'armée : son infériorité, et l'épuisement où elle est des hommes les plus braves me font tout craindre pour elle. Peut-être sommes-nous à la veille de perdre l'Italie. Aucun des secours attendus n'est arrivé ; la quatre-vingt-troisième demi-brigade ne part pas ; tous les secours venant des départemens sont arrêtés à Lyon et surtout à Marseille. On croit qu'il est indifférent de les arrêter huit ou dix jours, on ne songe pas que les destinées de l'Italie et de l'Europe se décident ici pendant ce temps-là. Tout l'empire a été en mouvement et y est encore. L'activité de notre gouvernement, au commencement de la guerre, peut seule donner une idée de la manière dont on se conduit à Vienne. Il n'est pas de jour où il n'arrive cinq mille hommes ; et, depuis deux mois qu'il est évident qu'il faut des secours ici, il n'est encore arrivé qu'un bataillon de la quarantième, mauvaise troupe et non accoutumée au feu, tandis que toutes nos vieilles milices de l'armée d'Italie languissent en repos dans la huitième division. Je fais mon devoir, l'armée fait le sien : mon âme est déchirée, mais ma conscience est en repos. Des secours, envoyez-moi des secours ; mais il ne faut plus s'en faire un jeu : il faut, non de l'effectif, mais du présent sous les armes. Annoncez-vous six mille hommes, le ministre de la guerre annonce six mille hommes effectifs et trois mille hommes présens sous les armes ; arrivés à Milan, ils sont réduits à quinze cents hommes : ce n'est donc que quinze cents hommes que reçoit l'armée.
Je fus informé, le 10, qu'un corps de deux mille cinq cents Autrichiens s'avançait de la Goricie, et déjà était campé sur la Piave ; j'envoyai aussitôt le général Masséna, avec un corps d'observation, à Bassano sur la Brenta, avec ordre de se retirer à Vicence du moment que l'ennemi aurait passé la Piave. J'ordonnai au général Vaubois d'attaquer les postes ennemis dans le Trentin, et surtout de le chasser de ses positions entre le Lawis et la Brenta. L'attaque eut lieu le 12, la résistance fut vive. Le général Guieux emporta Saint-Michel et brûla les ponts des ennemis ; mais ceux-ci rendirent notre attaque nulle sur Segonzano, et la quatre-vingt-cinquième demi-brigade y fut maltraitée malgré sa valeur. Nous avons eu trois cents blessés, cent hommes tués et deux cent cinquante prisonniers ; nous avons fait cinq cents prisonniers, et tué beaucoup de monde à l'ennemi.
Le 13, j'ordonnai que l'on recommençât l'attaque sur Segonzano, qu'il fallait avoir ; et en même temps instruit que l'ennemi a passé la Piave, je pars avec la division du général Augereau. Nous nous joignons à Vicence avec la division Masséna, et nous marchons, le 15, au-devant de l'ennemi, qui avait passé la Brenta. Il fallait étonner comme la foudre, et balayer, dès son premier pas, l'ennemi. La journée fut vive, chaude et sanglante : l'avantage fut à nous, l'ennemi repassa la Brenta, et le champ de bataille nous resta. Nous fîmes cinq cent dix-huit prisonniers, et tuâmes considérablement de monde ; nous enlevâmes une pièce de canon. Le général Lanusse a été blessé d'un coup de sabre. Toutes les troupes se sont couvertes de gloire.
Cependant le 13, l'ennemi avait attaqué le général Vaubois sur plusieurs points et menaçait de le tourner, ce qui obligea ce général à faire sa retraite sur la Pietra, sa droite adossée à des montagnes, sa
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