Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
gauche à Mori. Le 16, l'ennemi ne se présenta point ; mais, le 17, le combat fut des plus opiniâtres. Déjà nous avions enlevé deux pièces de canon et fait treize cents prisonniers, lorsque, à l'entrée de la nuit, une terreur panique s'empara de nos troupes ; la déroute devint complète : nous abandonnâmes six pièces de canon.
La division prit, le 18, sa position à Rivoli et à la Corona par un pont que j'avais fait jeter exprès. Nous avons perdu, dans cette retraite, outre six pièces de canon, trois mille hommes tués, blessés ou prisonniers. La perte de l'ennemi doit avoir été considérable.
Ayant appris une partie de ce qui se passait dans le Tyrol, je m'empressai de partir le 17, à la pointe du jour, et nous arrivâmes le 18, à la pointe du jour, à Verone.
Le 21, à trois heures après midi, ayant appris que l'ennemi était parti de Montebello et avait campé à Villa-Nova, nous partîmes de Verone. Nous rencontrâmes son avant-garde à Saint-Martin. Augereau l'attaqua, la mit en déroute, et la poursuivit trois milles : la nuit la sauva.
Le 22, à la pointe du jour, nous nous trouvâmes en présence. Il fallait battre l'ennemi de suite ; nous l'attaquâmes avec intelligence et bravoure. La division Masséna attaqua la gauche, le général Augereau la droite. Le succès était complet ; le général Augereau s'était emparé du village de Caldero, et avait fait deux cents prisonniers ; Masséna s'était emparé de la hauteur qui tournait l'ennemi, et avait pris cinq pièces de canon ; mais la pluie, qui tombait à seaux, se change brusquement en une petite grelasse froide, qu'un vent violent portait au visage de nos soldats, et favorise l'ennemi ; ce qui, joint à un corps de réserve qui ne s'était pas encore battu, lui fait reprendre la hauteur. J'envoie la soixante-quinzième demi-brigade, qui était restée en réserve, et tout se maintint jusqu'à la nuit ; mais l'ennemi reste maître de la position. Nous avons eu six cents blessés, deux cents morts et cent cinquante prisonniers, parmi lesquels le général de brigade Launai, le chef de brigade Dupuis, qui a été blessé pour la seconde fois.
L'ennemi doit avoir perdu davantage.
Le temps continue à être mauvais. Toute l'armée est excédée de fatigue et sans souliers : je l'ai reconduite à Verone, où elle vient d'arriver.
Une colonne ennemie, commandée par Laudon, s'avance sur Brescia, une autre sur Chiuza, pour faire sa jonction avec le corps d'armée. Pour résister à tout cela, je n'ai que dix-huit mille hommes.
L'ennemi a au moins cinquante mille hommes, composés : 1°. d'un corps autrichien venant du Rhin ; 2°. de toutes les garnisons de la Pologne et des frontières de la Turquie ; 3°. du reste de son armée d'Italie, recrutée de dix mille hommes.
Aujourd'hui, 24 brumaire, repos aux troupes ; demain, selon les mouvemens de l'ennemi, nous agirons. Je désespère d'empêcher la levée du blocus de Mantoue, qui dans huit jours était à nous. Si ce malheur arrive, nous serons bientôt derrière l'Adda, et plus loin s'il n'arrive pas de troupes.
Les blessés sont l'élite de l'armée : tous nos officiers sapeurs, tous nos généraux d'élite sont hors de combat ; tout ce qui m'arrive est si inepte ! et ils n'ont pas la confiance du soldat. L'armée d'Italie, réduite à une poignée de monde, est épuisée. Les héros de Lodi, de Millesimo, de Castiglione et de Bassano sont morts pour leur patrie ou sont à l'hôpital ; il ne reste plus aux corps que leur réputation et leur orgueil. Joubert, Lannes, Lanusse, Victor, Murat, Charlot, Dupuis, Rampon, Pigeon, Menard, Chabran, sont blessés ; nous sommes abandonnés au fond de l'Italie. La présomption de mes forces nous était utile ; on publie à Paris, dans des discours officiels, que nous ne sommes que trente mille hommes.
J'ai perdu dans cette guerre peu de monde, mais tous des hommes d'élite qu'il est impossible de remplacer.
Ce qui me reste de braves voit la mort infaillible, au milieu de chances si continuelles et avec des forces si inférieures. Peut-être l'heure du brave Augereau, de l'intrépide Masséna, de Berthier, de.... est près de sonner : alors ! alors ! que deviendront ces braves gens ? Cette idée me rend réservé ; je n'ose plus affronter la mort, qui serait un sujet de découragement et de malheur pour qui est l'objet de mes sollicitudes.
Sous peu de jours, nous essaierons un dernier effort : si la fortune nous sourit,
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