Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
que le feld-maréchal Alvinzi, commandant l'armée de l'empereur, s'approchait de Verone, afin d'opérer sa jonction avec les divisions de son armée qui sont dans le Tyrol, je filai le long de l'Adige avec les divisions Augereau et Masséna ; je fis jeter, dans la nuit du 24 au 25, un pont de bateaux à Ronco, où nous passâmes cette rivière : j'espérais arriver dans la matinée à Villa-Nova, et par là enlever les parcs d'artillerie de l'ennemi, ses bagages, et attaquer l'armée ennemie par le flanc et ses derrières. Le quartier-général du général Alvinzi était à Caldero ; cependant, l'ennemi, qui avait eu avis de quelques mouvemens, avait envoyé un régiment de Croates et quelques régimens hongrois dans le village d'Arcole, extrêmement fort par sa position, au milieu de marais et de canaux.
Ce village arrêta l'avant-garde de l'armée pendant toute la journée. Ce fut en vain que les généraux, sentant toute l'importance du temps, se jetèrent à la tête pour obliger nos colonnes de passer le petit pont d'Arcole : trop de courage nuisit ; ils furent presque tous blessés : les généraux Verdier, Bon, Verne, Lannes furent mis hors de combat, Augereau, saisissant un drapeau, le porta au-delà du pont ; il resta là plusieurs minutes sans produire aucun effet. Cependant, il fallait passer ce pont, ou faire un détour de plusieurs lieues, qui nous aurait fait manquer toute notre opération : je m'y portai moi-même, je demandai aux soldats s'ils étaient encore les vainqueurs de Lodi ; ma présence produisit sur les troupes un mouvement qui me décida encore à tenter le passage.
Le général Lannes, blessé déjà de deux coups de feu, retourna et reçut une troisième blessure plus dangereuse ; le général Vignolle fut également blessé. Il fallut renoncer à forcer de front ce village, et attendre qu'une colonne commandée par le général Guieux, que j'avais envoyée par Albaretto, fût arrivée. Elle n'arriva qu'à la nuit, s'empara du village, prit quatre pièces de canon et fit quelques centaines de prisonniers. Pendant ce temps-là, le général Masséna attaquait une division que l'ennemi faisait filer sur notre gauche ; il la culbuta et la mit dans une déroute complète.
On avait jugé à propos d'évacuer le village d'Arcole, et nous nous attendions, à la pointe du jour, à être attaqués par toute l'armée ennemie, qui se trouvait avoir eu le temps de faire filer ses bagages et ses parcs d'artillerie, et de se porter en arrière pour nous recevoir.
À la petite pointe du jour, le combat s'engagea partout avec la plus grande vivacité. Masséna, qui était sur la gauche, mit en déroute l'ennemi et le poursuivit jusqu'aux postes de Caldero. Le général Robert, qui était sur la chaussée du centre, avec la soixante-cinquième, culbuta l'ennemi à la baïonnette et couvrit le champ de bataille de cadavres. J'ordonnai à l'adjudant Vial de longer l'Adige avec une demi-brigade, pour tourner toute la gauche de l'ennemi ; mais ce pays offre des obstacles invincibles ; c'est en vain que ce brave adjudant-général se précipite dans l'eau jusqu'au cou, il ne peut pas faire une diversion suffisante. Je fis, pendant la nuit du 26 au 27, jeter des ponts sur les canaux et les marais, le général Augereau y passa avec sa division. À dix heures du matin, nous fûmes en présence : le général Masséna à la gauche, le général Robert au centre, le général Augereau à la droite.
L'ennemi attaqua vigoureusement le centre, qu'il fit plier. Je retirai alors la trente-deuxième de la gauche, je la plaçai en embuscade dans les bois, et au moment où l'ennemi, poussant vigoureusement le centre, était sur le point de tourner notre droite, le général Gardanne sortit de son embuscade, prit l'ennemi en flanc et en fit un carnage horrible. La gauche de l'ennemi, étant appuyée à des marais et par la supériorité du nombre, imposait à notre droite : j'ordonnai au citoyen Hercule, officier de mes guides, de choisir 25 hommes dans sa compagnie, de longer l'Adige d'une demi-lieue, de tourner tous les marais qui appuyaient la gauche des ennemis, et de tomber ensuite au grand galop sur le dos de l'ennemi en faisant sonner plusieurs trompettes. Cette manoeuvre réussit parfaitement ; l'infanterie ennemie se trouva ébranlée, le général Augereau sut profiter du moment. Cependant, elle résiste encore quoiqu'en battant en retraite, lorsqu'une petite colonne de huit à neuf cents
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