Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
Porto-Legnago.
Mantoue est cerné avec le plus grand soin, Le 2 de ce mois, le général Dumas surprit un espion qui entrait dans la ville ; c'est un cadet autrichien qui avait été expédié de Trente par Alvinzi. Après de grandes façons, il avoua qu'il était porteur de dépêches, et, effectivement, il rendit, vingt-quatre heures après (allant à la garde-robe), un petit cylindre où était renfermée la lettre de l'empereur que je vous ferai passer.
Si cette méthode de faire avaler les dépêches n'était pas parfaitement connue, je vous enverrais les détails, afin que cela soit envoyé à nos généraux, parce que les Autrichiens se servent souvent de cette méthode. Ordinairement les espions gardent cela dans le corps pendant plusieurs jours ; s'ils ont l'estomac dérangé, ils ont soin de reprendre le petit cylindre, de le tremper dans de l'élixir et de le réavaler. Ce cylindre est trempé dans de la cire d'Espagne, déliée dans du vinaigre.
Vous verrez, par la lettre de l'empereur, que Wurmser doit effectivement être à toute extrémité ; la garnison ne se nourrit que de poulenta et de viande de cheval ; cependant il est possible que sa réduction tarde encore : les Autrichiens mettent tant d'espérance dans cette place, qu'il n'est pas étonnant qu'ils souffrent toutes les extrémités avant de la rendre.
Le parti qu'ordonne l'empereur n'est pas bien dangereux.
Le corps franc des volontaires de Vienne, fort de quatre mille hommes, est arrivé à Trente ; il y a un caporal qui est chambellan : c'est une garde nationale. Trois mille hommes sont déjà arrivés à Trente, venant du Rhin, et quatre mille recrues de Hongrie. Les chemins sont chargés de troupes. Nous, au contraire, nous en sommes toujours au premier des renforts annoncés au commencement de la campagne, qui n'arrivent pas encore.
L'état de situation que vous m'avez envoyé est plein de doubles emplois et de fautes. Je suis entré en campagne avec un corps d'armée de vingt-quatre mille hommes d'infanterie, une division du col de Tende et de Fenestre, et les garnisons des Alpes-Maritimes de huit mille hommes, dont six mille m'ont rejoint après la bataille de Mondovi, en descendant le col de Tende.
J'ai donc eu trente mille hommes de la ci-devant armée d'Italie dans les plaines du Piémont.
L'armée des Alpes m'a fourni huit mille cinq cents hommes, qui ne doivent pas être considérés comme renfort, puisque l'armée des Alpes défendait les frontières d'Italie.
On peut donc considérer l'armée d'Italie proprement dite comme ayant été primitivement de trente-huit mille cinq cents hommes d'infanterie.
Le gouvernement l'a renforcée de deux mille six cents hommes venant du général Châteauneuf-Randon, et des trente-troisième, sixième, quarantième et cinquante-huitième demi-brigades, venant de la Vendée, et de la quatorzième, venant de Paris, faisant en tout dix mille hommes.
Si donc l'armée n'avait perdu personne, elle aurait cinquante-un mille cent hommes d'infanterie, mais sur lesquels quatre mille hommes ont été tués sur le champ de bataille, comme vous le verrez par l'état que je vous ferai passer ; mille blessés hors de service ; deux mille morts aux hôpitaux : en tout sept mille.
On a donc perdu sept mille hommes, dont mille cavaliers, pionniers ou artilleurs : reste ainsi quarante-cinq mille cent hommes d'infanterie, dont elle est composée.
Vous voyez donc, citoyens directeurs, que votre armée a reçu, non pas cinquante-sept mille hommes de renfort, mais seulement douze mille six cents hommes, dans une campagne où il y a eu tant de batailles, et où les mêmes hommes ont détruit l'armée sarde et l'armée de Beaulieu, fortes de soixante-treize mille hommes :
l'armée de Beaulieu, renforcée de vingt mille hommes du Rhin, commandés par Wurmser ; l'armée de Wurmser, renforcée de dix-huit mille hommes tirés de la Pologne, six mille du Rhin et douze mille recrues, commandés par Alvinzi ; et nous sommes à la veille d'avoir affaire aux débris de toutes ces armées, renforcés par quatre mille volontaires de Vienne, trois mille hommes du Rhin, trois mille recrues déjà arrivées, quinze cents que l'on m'assure que les ennemis attendent dans le courant de janvier, plus, les recrues qui arrivent de tous les côtés.
Il a fallu du bonheur et du bien joué pour vaincre Alvinzi. Comment espérer vaincre, avec les mêmes troupes, Alvinzi, renforcé de trente à trente-cinq mille hommes, tandis
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