Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
que nous nous en serons rendus maîtres. Pendant ce temps-là, avec votre armée, je passerai l'Adige, et j'entrerai en Allemagne par le Tyrol. Dans cette hypothèse, il faut que nous gardions en dépôt, jusqu'à la paix générale, les places et les pays que nous occupons ; il faut y joindre que, le jour que quinze mille hommes piémontais passeront le Pô, il nous remettra la ville de Valence.
Mes colonnes sont en marche ; Beaulieu fuit, j'espère l'attraper ; j'imposerai quelques millions de contributions au duc de Parme : il vous fera faire des propositions de paix ; ne vous pressez pas, afin que j'aie le temps de lui faire payer les frais de la campagne, approvisionner nos magasins, et remonter nos chariots à ses dépens.
Si vous n'acceptez pas la paix avec le roi de Sardaigne, si votre projet est de le détrôner, il faut que vous l'amusiez quelques décades, et que vous me préveniez de suite ; je m'empare de Valence et je marche sur Turin.
J'enverrai douze mille hommes sur Rome lorsque j'aurai battu Beaulieu, et l'aurai obligé de repasser l'Adige, lorsque je serai sûr que vous accorderez la paix au roi de Sardaigne, et que vous m'enverrez une partie de l'armée des Alpes.
Quant à Gênes, je crois que vous devez lui demander quinze millions en indemnités des frégates et bâtimens pris dans ses ports ; 2°. demander que ceux qui ont fait brûler la Modeste et appelé les Autrichiens, soient jugés comme traîtres à la patrie.
Si vous me chargez de ces objets, que vous gardiez surtout le plus grand secret, je parviendrai à faire tout ce que vous voudrez.
Si j'ai quelques chances à courir en Lombardie, c'est à cause de la cavalerie ennemie. Il m'arrive quarante artilleurs à cheval, qui n'ont pas fait la guerre, et qui sont démontés. Envoyez-m'en donc douze compagnies, et ne confiez pas l'exécution de cette mesure aux hommes des bureaux, car il leur faut dix jours pour expédier un ordre, et ils auront l'ineptie d'en tirer peut-être de la Hollande, afin que cela arrive au mois d'octobre.
Nos troupes viennent à l'instant d'entrer dans la citadelle de Ceva, et je viens de recevoir du roi de Sardaigne l'ordre de nous livrer la ville et la citadelle de Tortone.
BONAPARTE.
Au citoyen Carnot.
La suspension d'armes conclue entre le roi de Sardaigne et nous me permet de communiquer par Turin, c'est-à-dire d'épargner la moitié de la route : je pourrais donc recevoir vos ordres et connaître vos intentions pour la direction à donner à l'armée.
Je suis maître de Coni, de Ceva, de Tortone ; je vais passer le Pô et entrer dans le Milanais : en passant, je compte rançonner le duc de Parme, et lui faire payer cher son entêtement.
Mon projet serait d'atteindre les Autrichiens, et de les battre avant votre réponse, afin de me trouver à même de marcher sur Turin, sur Naples, ou sur l'Autriche en passant par le Tyrol.
Si le roi de Sardaigne se doutait, avant que je ne le sache, que vous ne voulussiez pas faire la paix, il me jouerait un mauvais tour. Si vous ne voulez pas la paix avec la Sardaigne, faites en sorte que ce soit moi qui le lui apprenne, afin que je sois maître de prendre mon temps, et que ses plénipotentiaires à Paris ne s'en doutent pas.
Si vous faites la paix avec le roi de Sardaigne, ordonnez ce que l'on doit faire vis-à-vis de Gênes, de Parme et de Rome.
Beaulieu a encore avec lui vingt-six mille hommes bien équipés ; il avait trente-huit mille hommes au commencement de la campagne. Je marche avec vingt-huit mille hommes ; il a quatre mille hommes de cavalerie, je n'en ai que trois mille six cents, et en mauvais état.
La cour de Turin et celle de Vienne s'attendaient à des succès sûrs, cette campagne : les armées combinées étaient de soixante-quinze mille hommes, je les ai battues avec trente-cinq mille hommes ; j'ai besoin de secours, l'armée des Alpes peut me fournir quinze mille hommes.
Le général Châteauneuf-Randon devait me rendre les trois mille hommes qu'il a retenus à Nîmes, destinés pour ici ; avec ce renfort l'Italie est à vous, et je puis en même temps marcher sur Naples et Mantoue, surtout si je parviens à battre les ennemis avant peu.
Il vient d'arriver un officier du génie, je vous prie de m'envoyer de l'artillerie légère.
Je désirerais avoir le général Baraguay-d'Hilliers, pour servir dans son grade dans l'armée ; il me l'a demandé lui-même.
BONAPARTE.
Au quartier-général d'Acqui, le 12 floréal an 4 (1er mai
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