Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
et s'emparent de Valeggio, quartier-général de Beaulieu, qui venait seulement d'en sortir.
Cependant les ennemis, en partie en déroute, étaient rangés en bataille entre Valeggio et Villa-Franca. Nous nous gardons bien de les suivre ; ils paraissent se rallier et prendre confiance, et déjà leurs batteries se multiplient et se rapprochent de nous : c'était justement ce que je voulais ; j'avais peine à contenir l'impatience ou, pour mieux dire, la fureur des grenadiers.
Le général Augereau passa, sur ces entrefaites, avec sa division ; il avait ordre de se porter, en suivant le Mincio, droit sur Peschiera, d'envelopper cette place, et de couper les gorges du Tyrol : Beaulieu et les débris de son armée se seraient trouvés sans retraite.
Pour empêcher les ennemis de s'apercevoir du mouvement du général Augereau, je les fis vivement-canonner du village de Valeggio ; mais l'ennemi, instruit par ses patrouilles de cavalerie du mouvement du général Augereau, se mit aussitôt en route pour gagner le chemin de Castel-Nuovo : un renfort de cavalerie qui leur arriva les mit à même de protéger leur retraite.
Notre cavalerie, commandée par le général Murat, fit des prodiges de valeur ; ce général dégagea lui-même plusieurs chasseurs que l'ennemi était sur le point de faire prisonniers. Le chef de brigade du dixième régiment de chasseurs, Leclerc, s'est également distingué. Le général Augereau, arrivé à Peschiera, trouva la place évacuée par l'ennemi.
Le 12, à la pointe du jour, nous nous portâmes à Rivoli ; mais déjà l'ennemi avait passé l'Adige et enlevé presque tous les ponts, dont nous ne pûmes prendre qu'une partie. On évalue la perte de l'ennemi, dans cette journée, à quinze cents hommes et cinq cents chevaux, tant tués que prisonniers. Parmi les prisonniers se trouve le prince de Couffla, lieutenant-général des armées du roi de Naples, commandant en chef la cavalerie napolitaine. Nous avons pris également cinq pièces de canon, dont deux de 12, et trois de 6, avec sept ou huit caissons chargés de munitions de guerre. Nous avons trouvé à Castel-Nuovo des magasins, dont une partie était déjà consumée par les flammes. Le général de division Kilmaine a eu son cheval blessé sous lui.
Voilà donc les Autrichiens entièrement expulsés de l'Italie. Nos avant-postes sont sur les montagnes de l'Allemagne. Je ne vous citerai pas tous les hommes qui se sont signalés par des traits de bravoure, il faudrait nommer tous les grenadiers et carabiniers de l'avant-garde ; ils jouent et rient avec la mort. Ils sont aujourd'hui parfaitement accoutumés avec la cavalerie, dont ils se moquent. Rien n'égale leur intrépidité, si ce n'est la gaieté avec laquelle ils font les marches les plus forcées. Ils servent tour à tour la patrie et l'amour.
Vous croiriez qu'arrivés au bivouac ils doivent au moins dormir ? Point du tout : chacun fait son conte ou son plan d'opérations du lendemain, et souvent on en voit qui rencontrent très-juste.
L'autre jour, je voyais défiler une demi-brigade, un chasseur s'approcha de mon cheval : «Général, me dit-il, il faut faire cela ! Malheureux ! lui dis-je, veux-tu bien te taire.» Il disparaît à l'instant. Je l'ai fait en vain chercher ; c'était justement ce que j'avais ordonné que l'on fît.
BONAPARTE.
Au directoire exécutif.
Citoyens directeurs,
La république de Venise a laissé occuper par les Impériaux Peschiera, qui est une place forte ; mais, grâce à la victoire de Borgetto, nous nous en sommes emparés, et je vous écris aujourd'hui de cette ville.
Le général Masséna occupe, avec sa division, Vérone, belle et grande ville qui a deux ponts sur l'Adige.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Roverbello, le 15 prairial an 4 (3 juin 1796).
A monsieur le duc d'Aoste.
J'ai reçu, monsieur, votre courrier ; la conduite du roi à l'occasion de M. Bounnafier est digne de lui.
Je vais prendre des mesures pour que, pendant le peu de temps que la police de la ville d'Alba appartiendra à l'armée, il ne se commette aucun trouble ; mais j'espère que nous hâterons, le plus que possible, le moment de l'exécution du traité, afin de voir consolidée la paix qui doit désormais unir les deux puissances.
J'ai ordonné au commandant de la place d'Alba de faire relâcher différens particuliers, sujets du roi, qui avaient été arrêtés, pour je ne sais pas trop quelle espèce de représailles.
Je me flatte que vous
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