Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
l'armée d'Orient, et de plusieurs
muphtis et imans, dans l'intérieur de la grande pyramide,
dite pyramide de Chéaps.
Cejourd'hui, 25 thermidor de l'an 6 de la république française, une et indivisible, répondant au 28 de la lune de Mucharem, l'an de l'hégire 1213, le général en chef, accompagné de plusieurs officiers de l'état-major de l'armée et de plusieurs membres de l'Institut national, s'est transporté à la grande pyramide, dite de Chéaps, dans l'intérieur de laquelle il était attendu par plusieurs muphtis et imans, chargés de lui en montrer la construction intérieure. À neuf heures du matin, il est arrivé avec sa suite, sur la croupe des montagnes de Gizeh, au nord-ouest de Memphis. Après avoir visité les cinq pyramides inférieures, il s'est arrêté avec une attention particulière à la pyramide de Chéaps, dont les membres de l'Institut ont à l'instant déterminé, par des figures trigonométriques, la hauteur perpendiculaire.
Cette hauteur s'est trouvée être d'environ cent cinquante-cinq mètres (près de quatre cent soixante cinq pieds), ce qui est près du double de celle des monumens les plus élevés de l'Europe [Cette assertion n'est pas exacte.
La flèche de Strasbourg, qui est le monument le plus élevé de l'Europe, a quatre cent vingt-huit pieds quatre pouces, on à peu près cent trente-huit mètres de hauteur, y compris la croix. Saint-Pierre de Rome, au-dessus de la croix, à quatre cent vingt-un pieds d'élévation, ou à peu près cent trente-six mètres. On voit donc qu'il n'y a que dix-sept mètres de différence entre la pyramide de Chéaps et la flèche de Strasbourg. Voyez à ce sujet les mesures des principaux édifices de l'Europe, consignées dans le Voyage d'Italie, par Lalande ; édition de 1769, tome IV, pages 62 et suivantes.].
Le général et sa suite ayant pénétré dans l'intérieur de la pyramide, ont trouvé d'abord un canal de cent pieds de long et de trois pieds de large, qui les a conduits, par une pente rapide, vers les vallées qui servaient de tombeau au Pharaon qui érigea ce monument. Un second canal fort dégradé, et remontant vers le sommet de la pyramide, les a menés successivement sur deux plates-formes, et de là, à une galerie voûtée, de la longueur de cent dix-huit pieds, aboutissant au vestibule du tombeau. C'est une vallée voûtée, d'environ dix-sept pieds de long sur quinze de large, dans un des murs de laquelle on remarque la place d'une momie que l'on croit avoir été l'épouse du Pharaon.
On voit dans cette vallée la trace des fouilles faites avec violence par les ordres d'un calife arabe, qui fit ouvrir la pyramide, et qui croyait que ces lieux recelaient un trésor. L'effet des mêmes tentatives se remarqua dans une seconde salle, perpendiculaire à la première, et plus haute de cent pieds, où l'on croit qu'était le corps du Pharaon.
Cette dernière salle, à laquelle le général en chef est enfin parvenu, est à voûte plate, et longue de trente-deux pieds sur seize de large et dix-neuf de haut.
On ignore ce que les Arabes spoliateurs découvrirent dans ce sanctuaire de la pyramide ; le général n'y a trouvé qu'une caisse de granit, d'environ huit pieds de long sur quatre d'épaisseur, qui renfermait sans doute la momie d'un Pharaon. Il s'est assis sur le bloc de granit, a fait asseoir à ses côtés les muphtis et imans, Suleiman, Ibrahim et Muhamed, et il a eu avec eux, en présence de sa suite, la conversation suivante :
Bonaparte. Dieu est grand et ses oeuvres sont merveilleuses. Voici un grand ouvrage de main d'hommes ! Quel était le but de celui qui fit construire cette pyramide ?
Suleiman. C'était un puissant roi d'Egypte, dont on croit que le nom était Chéaps. Il voulait empêcher que des sacriléges ne vinssent troubler le repos de sa cendre.
B. Le grand Cyrus se fit enterrer en plein air, pour que son corps retournât aux élémens. Penses-tu qu'il ne fit pas mieux ? le penses-tu ?
S. (s'inclinant) : Gloire à Dieu, à qui toute gloire est due.
B. Honneur à Allah ! Quel est le calife qui a fait ouvrir cette pyramide et troubler la cendre des morts ?
Muhamed. On croit que c'est le commandeur des croyans Mahmoud, qui régnait il y a plusieurs siècles à Bagdad ; d'autres disent le renommé Aaroun-Al-Raschid (Dieu lui fasse paix !) qui croyait y trouver des trésors ; mais quand on fut entré par ses ordres dans cette salle, la tradition porte qu'on n'y trouva que des momies, et sur
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