Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
monde, que je me porte bien, et qu'on n'ajoute pas foi en France aux bruits que l'on fait courir. Expédiez-moi de Tripoli un courrier pour me faire parvenir les nouvelles que vous aurez de France, et écrivez à Malte pour qu'on envoie toutes les gazettes que l'on y reçoit et que vous me ferez parvenir.
Il est indispensable que vous nous expédiiez, au moins une fois toutes les décades, un courrier qui ira par mer jusqu'à Derne, et de là traversera le désert. Je vous ferai rembourser tous les frais que cela vous occasionera. Je n'ose aventurer de l'argent au travers du désert ; mais si vous trouvez un négociant de Tripoli qui ait besoin d'avoir 6,000 fr. au Caire, vous pouvez les prendre et tirer une lettre de change sur moi. D'ailleurs, je paierai bien tous les courriers qui m'apporteront des nouvelles intéressantes.
Faites connaître au bey que demain nous célébrons la fête du prophète avec la plus grande pompe. La caravane de Tripoli part également demain ; je l'ai protégée, et elle a eu à se louer de nous.
Engagez le bey à envoyer beaucoup de vivres à Malte, des moutons à Alexandrie, et à faire savoir aux fidèles que les caravanes sont protégées par nous, et que l'émir-aga est nommé.
BONAPARTE.
Au Caire, le 2 fructidor an 6 (19 août 1798).
Au directoire exécutif.
Le 18 thermidor, j'ordonnai à la division du général Reynier de se porter à Elkhankah, pour soutenir le général de cavalerie Leclerc, qui se battait avec une nuée d'Arabes à cheval, et de paysans du pays qu'Ibrahim-Bey était parvenu à soulever. Il tua une cinquantaine de paysans, quelques Arabes, et prit position au village d'Elkhankah. Je fis partir également la division commandée par le général Lannes et celle du général Dugua.
Nous marchâmes à grandes journées sur la Syrie, poussant toujours devant nous Ibrahim-Bey et l'armée qu'il commandait.
Avant d'arriver à Belbeis, nous délivrâmes une partie de la caravane de la Mecque, que les Arabes avaient enlevée et conduisaient dans le désert, où ils étaient déjà enfoncés de deux lieues. Je l'ai fait conduire au Caire sous bonne escorte. Nous trouvâmes à Qouréyn une autre partie de la caravane, toute composée de marchands qui avaient été arrêtés d'abord par Ibrahim-Bey, ensuite relâchés et pillés par les Arabes. J'en fis réunir les débris et je la fis également conduire au Caire. Le pillage des Arabes à dû être considérable ; un seul négociant m'assura qu'il perdait en schalls et autres marchandises des Indes, pour deux cent mille écus. Le négociant avait avec lui, suivant l'usage du pays, toutes ses femmes. Je leur donnai à souper, et leur procurai les chameaux nécessaires pour leur voyage ou Caire. Plusieurs paraissaient avoir une assez bonne tournure ; mais le visage était couvert, selon l'usage du pays, usage auquel l'armée s'accoutume le plus difficilement,
Nous arrivâmes à Ssalehhyeh, qui est le dernier endroit habité de l'Égypte où il y ait de bonne eau.
Là commence le désert qui sépare la Syrie de l'Égypte.
Ibrahim-Bey, avec son armée, ses trésors et ses femmes, venait de partir de Ssalehhyeh. Je le poursuivis avec le peu de cavalerie que j'avais. Nous vîmes défiler devant nous ses immenses bagages. Un parti d'Arabes de cent cinquante hommes, qui étaient avec eux, nous proposa de charger avec nous pour partager le butin. La nuit approchait, nos chevaux étaient éreintés, l'infanterie très-éloignée ; nous leur enlevâmes les deux pièces de canon qu'ils avaient, et une cinquantaine de chameaux chargés de tentes et de différens effets. Les mameloucks soutinrent la charge avec le plus grand courage. Le chef d'escadron d'Estrées, du septième régiment de hussards, a été mortellement blessé ; mon aide-de-camp Shulkouski a été blessé de sept à huit coups de sabre et de plusieurs coups de feu. L'escadron monté du septième de hussards et du vingt-deuxième de chasseurs, ceux des troisième et quinzième de dragons, se sont parfaitement conduits. Les mameloucks sont extrêmement braves et formeraient un excellent corps de cavalerie légère ; ils sont richement habillés, armés avec le plus grand soin, et montés sur des chevaux de la meilleure qualité. Chaque officier d'état-major, chaque hussard a soutenu un combat particulier. Lasalle, chef de brigade du vingt-deuxième, laissa tomber son sabre au milieu de la charge ; il fut assez adroit et assez heureux pour mettre pied à
Weitere Kostenlose Bücher