Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
terre et se trouver à cheval pour se défendre et attaquer un des mameloucks les plus intrépides. Le général Murat, le chef de bataillon, mon aide-de-camp Duroc, le citoyen Leturcq, le citoyen Colbert, l'adjudant Arrighi, engagés trop avant par leur ardeur dans le plus fort de la mêlée, ont couru les plus grands dangers.
Ibrahim-Bey traverse dans ce moment-ci le désert de Syrie ; il a été blessé dans ce combat.
Je laissai à Salehieh la division du général Reynier et des officiers du génie, pour y construire une forteresse, et je partis le 26 thermidor pour revenir au Caire. Je n'étais pas éloigné de deux lieues de Salehieh, que l'aide-de-camp du général Kléber arriva et m'apporta la nouvelle de la bataille qu'avait soutenue notre escadre, le 14 thermidor. Les communications sont si difficiles, qu'il avait mis onze jours pour venir.
Je vous envoie le rapport que m'en fait le contre-amiral Ganteaume. Je lui écris, par le même courrier, à Alexandrie, de vous en faire un plus détaillé.
Le 18 messidor, je suis parti d'Alexandrie. J'écrivis à l'amiral d'entrer sous les vingt-quatre heures, dans le port d'Alexandrie, et, si son escadre ne pouvait pas y entrer, de décharger promptement toute l'artillerie et tous les effets appartenans à l'armée de terre, et de se rendre a Corfou.
L'amiral ne crut pas pouvoir achever le débarquement dans la position où il était, étant mouillé dans le port d'Alexandrie sur des rochers, et plusieurs vaisseaux ayant déjà perdu leurs ancres ; il alla mouiller à Aboukir, qui offrait un bon mouillage. J'envoyai des officiers du génie et d'artillerie qui convinrent avec l'amiral que la terre ne pouvait lui donner aucune protection, et que, si les Anglais paraissaient pendant les deux ou trois jours qu'il fallait qu'il restât à Aboukir, soit pour décharger notre artillerie, soit pour sonder et marquer la passe d'Alexandrie, il n'y avait pas d'autre parti à prendre que de couper ses câbles, et qu'il était urgent de séjourner le moins possible à Aboukir.
Je suis parti d'Alexandrie dans la ferme croyance que, sous trois jours, l'escadre serait entrée dans le port d'Alexandrie, ou aurait appareillé pour Corfou.
Depuis le 18 messidor jusqu'au 6 thermidor, je n'ai reçu aucune nouvelle ni de Rosette, ni d'Alexandrie, ni de l'escadre. Une nuée d'Arabes, accourus de tous les points du désert, étaient constamment à cinq cents toises du camp. Le 9 thermidor, le bruit de nos victoires et différentes dispositions rouvrirent nos communications. Je reçus plusieurs lettres de l'amiral, où je vis avec étonnement qu'il se trouvait encore à Aboukir. Je lui écrivis sur-le-champ pour lui faire sentir qu'il ne devait pas perdre une heure à entrer à Alexandrie, ou à se rendre à Corfou.
L'amiral m'instruisit, par une lettre du 2 thermidor, que plusieurs vaisseaux anglais étaient venus le reconnaître, et qu'il se fortifiait pour attendre l'ennemi, embossé à Aboukir. Cette étrange résolution me remplit des plus vives alarmes ; mais déjà il n'était plus temps, car la lettre que l'amiral écrivait le 2 thermidor ne m'arriva que le 12. Je lui expédiai le citoyen Jullien, mon aide-de-camp, avec ordre de ne pas partir d'Aboukir qu'il n'eût vu l'escadre à la voile. Parti le 12 il n'aurait jamais pu arriver à temps ; cet aide-de-camp a été tué en chemin par un parti arabe qui a arrêté sa barque sur le Nil, et l'a égorgé avec son escorte.
Le 8 thermidor, l'amiral m'écrivit que les Anglais s'étaient éloignés ; ce qu'il attribuait au défaut de vivres. Je reçus cette lettre par le même courrier, le 12.
Le 11, il m'écrivait qu'il venait enfin d'apprendre la victoire des Pyramides et la prise du Caire, et que l'on avait trouvé une passe pour entrer dans le port d'Alexandrie ; je reçus cette lettre le 18.
Le 14, au soir, les Anglais l'attaquèrent ; il m'expédia, au moment où il aperçut l'escadre anglaise, un officier pour me faire part de ses dispositions et de ses projets : cet officier a péri en route.
Il me paraît que l'amiral Brueys n'a pas voulu se rendre à Corfou, avant qu'il eût été certain de ne pouvoir entrer dans le port d'Alexandrie, et que l'armée dont il n'avait pas de nouvelles depuis long-temps, fût dans une position à ne pas avoir besoin de retraite. Si dans ce funeste événement il a fait des fautes, il les a expiées par une mort glorieuse.
Les destins ont voulu dans cette circonstance, comme dans tant
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