Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
leçon, dont elle se souviendra long-temps, je crois.
J'ai reçu votre lettre du 26. Faites-nous passer le plus d'artillerie que vous pourrez : je vous ai demandé quelques pièces de 24 et quelques mortiers ; il serait bien essentiel qu'il nous en arrivât.
BONAPARTE.
Au Caire, le 6 brumaire an 7 (27 octobre 1798).
Au général Reynier.
J'ai reçu, citoyen général, votre lettre du 4 brumaire, avec différens extraits des lettres du général Lagrange. Vous devez avoir reçu un convoi avec des cartouches et quatre pièces de canon, dont deux pour votre équipage de campagne, deux pour Salahieh, dans le cas que l'équipage par eau tardât à y arriver. La tranquillité est parfaitement rétablie au Caire. Notre perte se monte exactement à huit hommes tués dans les différens combats, vingt-cinq hommes malades qui, revenant de votre division, ont été assassinés en route, et une vingtaine d'autres personnes de différentes administrations et de différens corps, assassinées isolément. Les révoltés ont perdu un couple de milliers d'hommes. Toutes les nuits nous faisons couper une trentaine de têtes et beaucoup de celles des chefs : cela, je crois, leur servira d'une bonne leçon.
Ibrahim-Bey ne tardera pas, je crois, à se jeter dans le désert. Si quelques Arabes ont été le joindre, cela a été pour lui porter du blé et autres provisions. Il paraît qu'il y a à Gaza une grande disette. Au reste, si nous pouvions être prévenus à temps, il n'échapperait que difficilement.
Pour le moment, tenez-vous concentré à Salahieh et à Belbeis ; punissez les différentes tribus arabes qui se sont révoltées contre vous ; tâchez d'en obtenir des chevaux et des ôtages ; faites activer, par tous les moyens possibles, les travaux de Belbeis, afin que l'on puisse y confier, d'ici à quelques jours, quelques pièces de canon ; approvisionnez Salahieh le plus qu'il vous sera possible. La meilleure manière de punir les villages qui se sont révoltés, c'est de prendre le scheick El-Beled et de lui faire couper le cou, car c'est de lui que tout dépend.
Le général Andréossi est reparti de Peluse le 28 ; il y a trouvé de très-belles colonnes et quelques camées.
BONAPARTE.
Au directoire exécutif.
Le 30 vendémiaire, à la pointe du jour, il se manifesta quelques rassemblemens dans la ville du Caire.
À sept heures du matin, une populace nombreuse s'assembla à la porte du cadhi, Ibrahim Ehctem Efendy, homme respectable par son caractère et ses moeurs. Une députation de vingt personnes des plus marquantes se rendit chez lui, et l'obligea à monter à cheval, pour, tous ensemble, se rendre chez moi. On partait, lorsqu'un homme de bon sens observa au cadhi que le rassemblement était trop nombreux et trop mal composé pour des hommes qui ne voulaient que présenter une pétition. Il fut frappé de l'observation, descendit de cheval, et rentra chez lui. La populace mécontente tomba sur lui et sur ses gens à coups de pierre et de bâton et ne manqua pas cette occasion pour piller sa maison.
Le général Dupuy, commandant la place, arriva sur ces entrefaites ; toutes les rues étaient obstruées.
Un chef de bataillon turc, attaché à la police, qui venait deux cents pas derrière, voyant le tumulte et l'impossibilité de le faire cesser par douceur, tira un coup de tromblon. La populace devint furieuse ; le général Dupuy la chargea avec son escorte, culbuta tout ce qui était devant lui, s'ouvrit un passage. Il reçut sous l'aisselle un coup de lance qui lui coupa l'artère : il ne vécut que huit minutes.
Le général Bon prit le commandement. Les coups de canon d'alarme furent tirés ; la fusillade s'engagea dans toutes les rues ; la populace se mit à piller les maisons des riches.
Sur le soir, toute la ville se trouva à-peu-près tranquille, hormis le quartier de la grande mosquée, où se tenait le conseil des révoltés, qui en avaient barricadé les avenues.
À minuit, le général Dommartin se rendit avec quatre bouches à feu sur une hauteur, entre la citadelle et la qoubbeh, qui domine à cent cinquante toises la grande mosquée. Les Arabes et les paysans marchaient pour secourir les révoltés. Le général Lannes fit attaquer par le général Vaux quatre à cinq mille paysans qui se sauvèrent plus vite qu'ils n'auraient voulu ; beaucoup se noyèrent dans l'inondation.
À huit heures du matin, j'envoyai le général Dumas avec de la cavalerie battre la plaine. Il chassa les
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