Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
ministre, pour vous parler du général Clarke, que vous-même m'en eussiez écrit. Je ne cherche pas s'il est vrai que ce général ait été envoyé dans l'origine pour me servir d'espion : si cela était, moi seul aurais le droit de m'en offenser, et je déclare que je lui pardonne.
Je l'ai vu, dans sa conduite passée, gémir le premier sur la malheureuse réaction qui menaçait d'engloutir la liberté avec la France. Sa conduite dans la négociation a été bonne et loyale : il n'y a pas déployé de grands talens, mais il y a mis beaucoup de volonté, de zèle et même une sorte de caractère.
On l'ôte de la négociation, peut-être fait-on bien ; mais, sous peine de commettre la plus grande injustice, on ne doit pas le perdre. Il a été porté principalement par Carnot. Auprès d'un homme raisonnable, lorsqu'on sait qu'il est depuis près d'un an à trois cents lieues de lui, cela ne peut pas être une raison de proscription. Je vous demande donc avec instance pour lui une place diplomatique du second ordre, et je garantis que le gouvernement n'aura jamais à s'en repentir. Il est chargé d'une très-grande mission ; il connaît tous les secrets comme toutes les relations de la république, il ne convient pas à notre dignité qu'il tombe dans la misère et se trouve proscrit et disgracié.
J'entends dire qu'on lui reproche d'avoir écrit ce qu'il pensait des généraux de l'armée d'Italie. Si cela est vrai, je n'y vois aucun crime : depuis quand un agent du gouvernement serait-il accusé d'avoir fait connaître à son gouvernement ce qu'il pensait des généraux auprès desquels il se trouvait ?
On dit qu'il a écrit beaucoup de mal de moi. Si cela est vrai, il l'a également écrit au gouvernement : dès-lors il avait droit de le faire ; cela pouvait même être nécessaire, et je ne pense pas que ce puisse être un sujet de proscription.
La morale publique est fondée sur la justice, qui, bien loin d'exclure l'énergie, n'en est au contraire que le résultat.
Je vous prie donc de vouloir bien ne pas oublier le général Clarke auprès du gouvernement : on pourrait lui donner une place de ministre auprès de quelque cour secondaire.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Passeriano, le 7 vendémiaire an 6 (28 septembre 1797).
Au ministre des relations extérieures.
M. le comte de Cobentzel, citoyen ministre, est arrivé de Vienne avec le général Meerweldt ; il m'a remis la lettre dont je vous envoie copie, et à laquelle je ne répondrai que dans trois ou quatre jours, lorsque je verrai la tournure que prendra la négociation.
Pour ma première visite, j'ai eu une prise très-vive avec M. de Cobentzel, qui, à ce qu'il m'a paru, n'est pas très-accoutumé à discuter, mais bien à vouloir toujours avoir raison.
Nous sommés entrés en congrès.
Je vous ferai passer : 1º. Copie des pleins pouvoirs donnés à M. le comte de Cobentzel ;
2º. Copie du protocole d'hier ;
3º. Copie de la réponse que je vais faire insérer au protocole d'aujourd'hui. Je les attends dans un quart d'heure.
Il est indispensable que le directoire exécutif donne les ordres qu'on se tienne prêt sur le Rhin : ces gens-ci ont de grandes prétentions. Au reste, il paraît, par la lettre de l'empereur, par la contexture des pleins-pouvoirs de M. de Cobentzel, même par son arrivée, que l'empereur accéderait au projet d'avoir pour lui Venise et la rive de l'Adige, de nous donner Mayence et les limites constitutionnelles.
Je dis il paraît, parce qu'en réalité notre conversation avec M. le comte de Cobentzel n'a été, de son côté, qu'une extravagance.
C'est tout au plus s'ils veulent nous donner la Belgique. Je vous fais grâce de ma réponse là-dessus comme de notre discussion, qui vous ferait connaître ce que ces gens-ci appellent diplomatie.
À minuit.
Le courrier devait partir à midi, il n'est pas parti.
Ces messieurs sortent à l'instant même d'ici. Nous avons été à peu près quatre ou cinq heures en conférences réglées. M. de Cobentzel et nous avons beaucoup argumenté, beaucoup rabâché les mêmes choses.
Il n'a été question dans le protocole que des deux notes annoncées dans ma lettre ci-dessus, auxquelles ces messieurs répondront demain.
Après le dîner, moment où les Allemands parlent volontiers, j'ai causé quatre ou cinq heures de suite avec M. Cobentzel ; il a laissé entrevoir, au milieu d'un très-grand bavardage, qu'il désire fort que S.M. l'empereur réunisse son système
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