Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
frais, et la mer très-houleuse. Cependant je crus devoir débarquer de suite ; la journée se passa à faire les préparatifs du débarquement. Le général Menou, à la tête de sa division, débarqua le premier près du Marabou, à une lieue et demie d'Alexandrie.
Je débarquai avec le général Kléber, et une autre partie des troupes, à onze heures du soir. Nous nous mîmes sur-le-champ en marche pour nous porter sur Alexandrie ; nous aperçûmes à la pointe du jour la colonne de Pompée. Un corps de mameloucks et arabes commençait à escarmoucher avec nos avant-postes ; mais nous nous portâmes rapidement, la division du général Bon à la droite, celle du général Kléber au centre, et celle du général Menou à la gauche, sur les différens points d'Alexandrie. L'enceinte de la ville des Arabes était garnie de monde ; le général Kléber partit de la colonne de Pompée, pour escalader la muraille ; dans le temps que le général Bon forçait la porte de Rosette, le général Menou bloquait le château triangulaire avec une partie de sa division, se portait avec le reste sur une autre partie de l'enceinte, et la forçait. Il entra le premier dans la place ; il y reçut six blessures dont heureusement aucune n'est dangereuse.
Le général Kléber, au pied de la muraille, désignait l'endroit où il voulait que ses grenadiers montassent ; mais il reçut une balle au front qui le jeta par terre ; sa blessure, quoique très-grave, n'est pas mortelle ; les grenadiers de sa division en doublèrent de courage et entrèrent dans la place.
La quatrième demi-brigade, commandée par le général Marmont, enfonça à coups de hache la porte de Rosette, et toute la division du général Bon entra dans l'enceinte des Arabes.
Le citoyen Mars, chef de brigade en second de la trente-deuxième, a été tué, et l'adjudant général l'Escalle dangereusement blessé.
Maîtres de l'enceinte des Arabes, les ennemis se réfugièrent dans le fort triangulaire, dans le Phare et dans la nouvelle ville. Chaque maison était pour eux une citadelle ; mais avant la fin de la journée la ville fut calme, les deux châteaux capitulèrent, et nous nous trouvâmes entièrement maîtres de la ville, des forts et des deux ports d'Alexandrie.
Pendant ce temps-là les Arabes du désert étant accourus par pelotons de 30 à 50 hommes, inondaient nos derrières et tombaient sur nos traînards. Ils n'ont cessé de nous harceler pendant deux jours ; mais hier je suis parvenu à conclure avec eux un traité, non-seulement d'amitié, mais même d'alliance : treize des principaux chefs sont venus hier chez moi ; je m'assis au milieu d'eux et nous eûmes une très-longue conversation. Après être convenus de nos articles, nous nous sommes réunis autour d'une table et nous avons voué au feu de l'enfer celui de moi ou d'eux qui violerait nos conventions, consistantes :
Eux à ne plus harceler nos derrières, à me donner tous les secours qui dépendraient d'eux, et à me fournir le nombre d'hommes que je leur demanderais pour marcher contre les mameloucks.
Moi à leur restituer, quand je serai maître de l'Égypte, les terres qui leur avaient appartenu jadis.
Les prières se font, dans les Mosquées, comme à l'ordinaire, et ma maison est toujours pleine des imans ou cadis, des scheicks, des principaux du pays, des muphtis ou chefs de la religion.
Cette nation-ci n'est rien moins que ce que l'ont peinte les voyageurs et les faiseurs de relations, elle est calme, fière et brave.
Le port vieux d'Alexandrie peut contenir une escadre aussi nombreuse qu'elle soit ; mais il y a un point de la passe où il n'y a que cinq brasses d'eau, ce qui fait penser aux marins qu'il n'est pas possible que les vaisseaux de 74 y entrent.
Cette circonstance contrarie singulièrement mes projets ; les vaisseaux de construction Vénitienne pourront y entrer, et déjà le Dubois et le Causse y sont.
L'escadre sera aujourd'hui à Aboukir, pour achever de débarquer l'artillerie qu'elle a à nous.
La division du général Desaix est arrivée à Damanhour après avoir traversé quatorze lieues dans un désert aride, où elle a été bien fatiguée ; celle du général Reynier doit y arriver ce soir.
La division du général Dugua est à Rosette ; le chef de division Ferrée commande notre flottille légère, et va chercher à faire remonter le Nil par une partie de ses bâtimens.
Je vous demande le grade de contre-amiral pour le citoyen Gantheaume,
Weitere Kostenlose Bücher