Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
soufferts. La faiblesse du pouvoir suprême est la plus affreuse calamité des peuples. Soldat ou premier consul, je n'ai eu qu'une pensée ; empereur, je n'en ai pas d'autre : les prospérités de la France. J'ai été assez heureux pour l'illustrer par des victoires, pour la consolider par des traités, pour l'arracher, aux discordes civiles et y préparer la renaissance des moeurs, de la société et de la religion. Si la mort ne me surprend pas au milieu de mes travaux, j'espère laisser à la postérité un souvenir qui serve à jamais d'exemple ou de reproche a mes successeurs.
«Mon ministre de l'intérieur vous fera l'exposé de la situation de l'empire ; les orateurs de mon conseil-d'état vous présenteront les différens besoins de la législation. J'ai ordonné qu'on mît sous vos yeux les comptes que mes ministres m'ont rendus de la gestion de leur département. Je suis satisfait de l'état prospère de nos finances. Quelles que soient les dépenses, elles sont couvertes par les recettes.
Quelqu'étendus qu'aient été les préparatifs qu'a nécessités la guerre dans laquelle nous sommes engagés, je ne demanderai à mon peuple aucun nouveau sacrifice.
«Il m'aurait été doux, à une époque aussi solennelle, de voir la paix régner sur le monde ; mais les principes politiques de nos ennemis, leur conduite récente envers l'Espagne, en font connaître les difficultés. Je ne veux pas accroître le territoire de la France, mais en maintenir l'intégrité ; Je n'ai point l'ambition d'exercer en Europe une plus grande influence, mais je ne veux pas décheoir de celle que j'ai acquise. Aucun état ne sera incorporé dans l'empire ; mais je ne sacrifierai pas mes droits, les liens qui m'attachent aux états que j'ai créés.
«En me décernant la couronne, mon peuple a pris l'engagement de faire tous les efforts que requerraient les circonstances pour lui conserver cet éclat qui est nécessaire à sa prospérité et à sa gloire comme à la mienne. Je suis plein de confiance dans l'énergie de la nation et dans ses sentimens pour moi. Ses plus chers intérêts sont l'objet constant de mes sollicitudes.
«Messieurs les députés des départemens au corps législatif, messieurs les tribuns et les membres de mon conseil d'état, votre conduite pendant la session précédente, le zèle qui vous anime pour la patrie, pour ma personne, me sont garans de l'assistance que je vous demande, et que je trouverai en vous pendant le cours de cette session.»
NAPOLÉON.
Paris, le 12 nivôse an 13 (2 janvier 1805).
A Sa Majesté George III, roi d'Angleterre.
Monsieur mon frère, appelé au trône par la Providence et par les suffrages du sénat, du peuple et de l'armée, mon premier sentiment est un voeu de paix. La France et l'Angleterre usent leur prospérité ; elles peuvent lutter des siècles. Mais leurs gouvernemens remplissent-ils bien le plus sacré de leurs devoirs ? Et tant de sang versé inutilement et sans la perspective d'aucun but, ne les accuse-t-il pas dans leur propre conscience ? Je n'attache pas de déshonneur à faire le premier pas ; j'ai assez, je pense, prouvé au monde que je ne redoute aucune chance de la guerre ; elle ne m'offre d'ailleurs rien que je doive redouter. La paix est le voeu de mon coeur ; mais la guerre n'a jamais été contraire à ma gloire. Je conjure V.M. de ne pas se refuser au bonheur de donner elle-même la paix au monde ; qu'elle ne laisse pas cette douce satisfaction à ses enfans, car enfin il n'y eut jamais de plus belles circonstances ni de moment plus favorable pour faire taire toutes les passions et écouter uniquement le sentiment de l'humanité et de la raison. Ce moment une fois perdu, quel terme assigner à une guerre que tous mes efforts n'auraient pu terminer ? V.M. a plus gagné en dix ans en territoire et en richesse que l'Europe n'a d'étendue ; la nation est au plus haut point de prospérité. Que peut-elle espérer de la guerre ? coaliser quelques puissances du continent ? Le continent restera tranquille ; une coalition ne ferait qu'accroître là puissance et la grandeur continentale de la France. Renouveler des troubles intérieurs ? Les temps ne sont plus les mêmes. Détruire nos finances ? Des finances fondées sur une bonne agriculture ne se détruisent jamais. Enlever à la France ses colonies ? Les colonies sont pour la France un objet secondaire ; et S.M. n'en possède-t-elle déjà pas plus qu'elle n'en peut garder ?
Si V.
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