Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
fait attaquer l'ennemi de front ; et tandis qu'il le faisait tourner par la gauche par la brigade de grenadiers du général Dupas, le maréchal Soult le faisait tourner par la droite par la brigade du général Levasseur, de la division Legrand, composée des troisième et dix-huitième régimens de ligne. Le général de division Walther a chargé les Russes avec une brigade de dragons, et a fait trois cents prisonniers.
La brigade de grenadiers du général Laplanche-Mortière s'est distinguée. Sans la nuit, rien n'eût échappé. On s'est battu à l'arme blanche plusieurs fois. Des bataillons de grenadiers russes ont montré de l'intrépidité : le général Oudinot a été blessé ; ses deux aides-de-camp, chefs d'escadron Dermangeot et Lamotte, l'ont été à ses côtés. La blessure du général Oudinot l'empêchera de servir pendant une quinzaine de jours. En attendant, l'empereur voulant donner une preuve de son estime aux grenadiers, a nommé le général Duroc pour les commander.
L'empereur a porté son quartier-général à Znaïm le 26, à trois heures après-midi.
L'arrière-garde russe a été obligée de laisser ses hôpitaux à Znaïm, où nous avons trouvé des magasins de farine et d'avoine assez considérables. Les Russes se sont retirés sur Brünn, et notre avant-garde les a poursuivis à mi-chemin ; mais l'empereur, instruit que l'empereur d'Autriche y était, a voulu donner une preuve d'égards pour ce prince, et s'est arrêté la journée du 27.
Le fort de Keuffstein a été pris par les Bavarois.
Le général Baraguay-d'Hilliers a fait une incursion jusqu'à Pilsen en Bohême, et obligé l'ennemi à évacuer ses positions. Il a pris quelques magasins, et rempli le but de sa mission. Les dragons à pied ont traversé avec rapidité les montagnes couvertes de glace et de sapins qui séparent la Bohême de la Bavière.
On ne se fait pas d'idée de l'horreur que les Russes ont inspirée en Moravie. En faisant leur retraite, ils brûlent les plus beaux villages ; ils assomment les paysans. Aussi les habitans respirent-ils en les voyant s'éloigner. Ils disent : «Nos ennemis sont partis.» Ils ne parlent d'eux qu'en se servant du terme de barbares, qui ont apporté chez eux la désolation. Ceci ne s'applique pas aux officiers qui sont en général bien différens de leurs soldats, et dont plusieurs sont d'un mérite distingué ; mais l'armée a un instinct sauvage que nous ne connaissons pas dans nos armées européennes.
Lorsqu'on demande aux habitans de l'Autriche, de la Moravie, de la Bohême, s'ils aiment leur empereur : Nous l'aimions, répondent-ils, mais comment voulez-vous que nous l'aimions encore ? il a fait venir les Russes.
A Vienne, le bruit avait couru que les Russes avaient battu l'armée française, et venaient sur Vienne ; une femme a crié dans la rue : «Les Français sont battus ; voici les Russes !» L'alarme a été générale ; la crainte et la stupeur ont été dans Vienne.
Voilà cependant le résultat des funestes conseils de Cobentzel, de Colloredo et de Lamberti. Aussi ces hommes sont-ils en horreur à la nation, et l'empereur d'Autriche ne pourra reconquérir la confiance et l'amour de ses sujets qu'en les sacrifiant à la haine publique ; et, un jour plus tôt, un jour plus tard, il faudra bien qu'il le fasse.
Porltiz, le 28 brumaire an 14 (19 octobre 1805).
Vingt-septième bulletin de la grande armée.
Depuis le combat de Zuntersdorf, l'ennemi a continué sa retraite avec la plus grande précipitation. Le général Sébastiani avec sa brigade de dragons, l'a poursuivi l'épée dans les reins. Les immenses plaines de la Moravie ont favorisé sa poursuite. Le 27, à la hauteur de Porltiz, il a coupé la retraite à plusieurs corps, et a fait dans la journée deux mille Russes prisonniers de guerre.
Le prince Murat est entré le 27, à trois heures après midi, à Brünn, capitale de la Moravie, toujours suivant l'ennemi.
L'ennemi a évacué la ville et la citadelle, qui est un très-bon ouvrage, capable de soutenir un siège en règle.
L'Empereur a mis son quartier-général à Porlitz.
Le maréchal Soult, avec son corps d'armée, est à Riemstschitz.
Le maréchal Lannes est en avant de Porlitz.
Les Moraves ont encore plus de haine pour les Russes et d'amitié pour nous, que les habitans de l'Autriche. Le pays est superbe, et beaucoup plus fertile que l'Autriche. Les Moraves sont étonnés de voir au milieu de leurs immenses plaines les peuples de
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