Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
tout court, et le combat s'engagea.
Le maréchal Soult s'ébranle au même instant, se dirige sur les hauteurs du village de Pringen avec les divisions des généraux Vandamme et Saint-Hilaire, et coupe entièrement la droite de l'ennemi, dont tous les mouvemens devinrent incertains. Surprise par une marche de flanc pendant qu'elle fuyait, se croyant attaquante et se voyant attaquée, elle se regarde a demi battue.
Le prince Murat s'ébranle avec sa cavalerie ; la gauche, commandée par le maréchal Lannes, marche en échelons par régimens, comme à l'exercice.
Une canonnade épouvantable s'engage sur toute la ligne ; deux cents pièces de canon, et près de deux cent mille hommes, faisaient un bruit affreux : c'était un véritable combat de géans. Il n'y avait pas une heure qu'on se battait, et toute la gauche de l'ennemi était coupée. Sa droite se trouvait déjà arrivée à Austerlitz, quartier-général des deux empereurs, qui durent faire marcher sur-le-champ la garde de l'empereur de Russie, pour tâcher de rétablir la communication du centre avec la gauche. Un bataillon du quatrième de ligne fut chargé par la garde impériale russe à cheval, et culbuté ; usais l'empereur n'était pas loin : il s'aperçut de ce mouvement ; il ordonna au maréchal Bessières de se porter au secours de sa droite avec ses invincibles, et bientôt les deux gardes furent aux mains. Le succès ne pouvait être douteux : dans un moment la garde russe fut en déroute. Colonel, artillerie, étendards, tout fut enlevé. Le régiment du grand-duc Constantin fut écrasé ; lui-même ne dut son salut qu'à la vitesse de son Cheval.
Des hauteurs d'Austerliz, les deux empereurs virent la défaite de toute la garde russe. Au même moment le centre de l'armée, commandé par le maréchal Bernadette, s'avança ; trois de ses régimens soutinrent une très-belle charge de cavalerie. La gauche, commandée par le maréchal Lannes, donna trois fois. Toutes les charges furent victorieuses. La division du général Caffarelli s'est distinguée. Les divisions de cuirassiers se sont emparées des batteries de l'ennemi. A une heure après midi la victoire était décidée ; elle n'avait pas été un moment douteuse. Pas un homme de la réserve n'avait été nécessaire et n'avait donné nulle part. La canonnade ne se soutenait plus qu'à notre droite.
Le corps de l'ennemi, qui avait été cerné et chassé de toutes ses hauteurs, se trouvait dans un bas-fond et acculé à un lac. L'empereur s'y porta avec vingt pièces de canon. Ce corps fut chassé de position en position, et l'on vit un spectacle horrible, tel qu'on l'avait vu à Aboukir, vingt mille hommes se jetant dans l'eau et se noyant dans les lacs.
Deux colonnes, chacune de quatre mille Russes, mettent bas les armes et se rendent prisonniers ; tout le parc de l'ennemi est pris. Les résultats de cette journée sont quarante drapeaux russes, parmi lesquels sont les étendards de la garde impériale ; un nombre considérable de prisonniers ; l'état-major ne les connaît pas encore tous, on avait déjà la note de vingt mille ; douze ou quinze généraux ; au moins quinze mille Russes tués, restés sur le champ de bataille. Quoiqu'on n'ait pas encore les rapports, on peut, au premier coup d'oeil, évaluer notre perte à huit cents hommes tués et à quinze ou seize cents blessés. Cela n'étonnera pas les militaires, qui savent que ce n'est que dans la déroute qu'on perd des hommes, et nul autre corps que le bataillon du quatrième n'a été rompu. Parmi les blessés sont le général Saint-Hilaire, qui, blessé au commencement de l'action, est resté toute la journée sur le champ de bataille ; il s'est couvert de gloire ; les généraux de division Kellermann et Walther ; les généraux de brigade Valhubert, Thiébaut, Sébastiani, Compan et Rapp, aide-de-camp de l'empereur. C'est ce dernier qui, en chargeant à la tête des grenadiers de la garde, a pris le prince Repnin, commandant les chevaliers de la garde impériale de Russie. Quant aux hommes qui se sont distingués, c'est toute l'armée qui s'est couverte de gloire. Elle a constamment chargé aux cris de vive l'empereur ! et l'idée de célébrer si glorieusement l'anniversaire du couronnement animait encore le soldat.
L'armée française, quoique nombreuse et belle, était moins nombreuse que l'armée ennemie, qui était forte de cent cinq mille hommes, dont quatre-vingt mille Russes et vingt-cinq mille
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