Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
besoin de vous aujourd'hui.»
Trois colonels de la garde impériale russe sont pris, avec le général qui la commandait. Les hussards de cette garde ont fait une charge sur la division Caffarelli. Cette seule charge leur a coûté trois cents hommes qui restèrent sur le champ de bataille. La cavalerie française s'est montrée supérieure et a parfaitement fait. À la fin de la bataille, l'empereur a envoyé le colonel Dallemagne avec deux escadrons de sa garde en partisans, pour parcourir à volonté les environs du champ de bataille, et ramener les fuyards. Il a pris plusieurs drapeaux, quinze pièces de canon, et fait quinze cents prisonniers. La garde regrette beaucoup le colonel des chasseurs à cheval Morland, tué d'un coup de mitraille, en chargeant l'artillerie de la garde impériale russe. Cette artillerie fut prise ; mais ce brave colonel trouva la mort. Nous n'avons eu aucun général tué. Le colonel Mazas, du quatorzième de ligne, brave homme, a été tué. Beaucoup de chefs de bataillon ont été blessés. Les voltigeurs ont rivalisé avec les grenadiers. Les cinquante-cinquième, quarante-troisième, quatorzième, trente-sixième, quarantième et dix-septième... ; mais on n'ose nommer aucun corps, ce serait une injustice pour les autres ; ils ont tous fait l'impossible. Il n'y avait pas un officier, pas un général, pas un soldat qui ne fût décidé à vaincre ou à périr.
Il ne faut point taire un trait qui honore l'ennemi : le commandant de l'artillerie de la garde impériale russe venait de perdre ses pièces ; il rencontra l'empereur : Sire, lui dit-il, faites-moi fusiller, je viens de perdre mes pièces.
«Jeune homme, lui répondit l'empereur, j'apprécie vos larmes ; mais on peut être battu par mon armée, et avoir encore des titres à la gloire.»
Nos avant-postes sont arrivés à Olmutz ; l'impératrice et toute sa cour s'en sont sauvées en toute hâte.
Le colonel Corbineau, écuyer de l'empereur, commandant le cinquième régiment de chasseurs, a eu quatre chevaux tués ; au cinquième il a été blessé lui-même, après avoir enlevé un drapeau. Le prince Murat se loue beaucoup des belles manoeuvres du général Kellermann, des belles charges des généraux Nansouty et d'Hautpoult, et enfin de tous les généraux ; mais il ne sait qui nommer, parce qu'il faudrait les nommer tous.
Les soldats du train ont mérité les éloges de l'armée. L'artillerie a fait un mal épouvantable à l'ennemi. Quand on en a rendu compte à l'empereur, il a dit : «Ces succès me font plaisir, car je n'oublie pas que c'est dans ce corps que j'ai commencé ma carrière militaire.»
L'aide-de-camp de l'empereur, le général Savary, avait accompagné l'empereur d'Allemagne après l'entrevue, pour savoir si l'empereur de Russie adhérait à la capitulation. Il a trouvé les débris de l'armée russe sans artillerie ni bagages et dans un épouvantable désordre ; il était minuit ; le général Meerfeld avait été repoussé de Godding par le maréchal Davoust ; l'armée russe était cernée ; pas un homme ne pouvait s'échapper. Le prince Czartorinski introduisit le général Savary près de l'empereur. Dites à votre maître, lui cria ce prince, que je m'en vais ; qu'il a fait hier des miracles ; que cette journée a accru mon admiration pour lui ; que c'est un prédestiné du ciel ; qu'il faut à mon armée cent ans pour égaler la sienne.
Mais puis-je me retirer avec sûreté ? Oui, Sire, lui dit le général Savary, si V.M. ratifie ce que les deux empereurs de France et d'Allemagne ont arrêté dans leur entrevue.—Eh qu'est-ce ?—Que l'armée de V.M. se retirera chez elle par les journées d'étape qui seront réglées par l'empereur, et qu'elle évacuera l'Allemagne et la Pologne autrichienne. A cette condition, j'ai l'ordre de l'empereur de me rendre a nos avant-postes qui vous ont déjà tourné, et d'y donner ses ordres pour protéger votre retraite, l'empereur voulant respecter l'ami du premier consul.—Quelle garantie faut-il pour cela ?—Sire, votre parole.—Je vous la donne.—Cet aide-de-camp partit sur-le-champ au grand galop, se rendit auprès du maréchal Davoust, auquel il donna l'ordre de cesser tout mouvement et de rester tranquille. Puisse cette générosité de l'empereur des Français ne pas être aussitôt oubliée en Russie que le beau procédé de l'empereur qui renvoya six mille hommes à l'empereur Paul avec tant de grace et de marques d'estime
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