Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
Autrichiens. La moitié de cette armée est détruite ; le reste a été mis en déroute complette, et la plus grande partie a jeté ses armes.
Cette journée coûtera des larmes de sang à Saint-Pétersbourg. Puisse-t-elle y faire rejeter avec indignation l'or de l'Angleterre ! et puisse ce jeune prince, que tant de vertus appelaient à être le père de ses sujets, s'arracher à l'influence de ces trente freluquets que l'Angleterre solde avec art, et dont les impertinences obscurcissent ses intentions, lui font perdre l'amour de ses soldats, et le jettent dans les opérations les plus erronées ! La nature, en le douant de si grandes qualités, l'avait appelé à être le consolateur de l'Europe. Des conseils perfides, en le rendant l'auxiliaire de l'Angleterre, le placeront dans l'histoire au rang des hommes qui, en perpétuant la guerre sur le continent, auront consolidé la tyrannie britannique sur les mers et fait le malheur de notre génération. Si la France ne peut arriver à la paix qu'aux conditions que l'aide-de-camp Dolgorouki a proposées à l'empereur, et que M. de Novozilzof avait été chargé de porter, la Russie ne les obtiendrait pas, quand même son armée serait campée sur les hauteurs de Montmartre.
Dans une relation plus détaillée de cette bataille, l'état-major fera connaître ce que chaque corps, chaque officier, chaque général, ont fait pour illustrer le nom français et donner un témoignage de leur amour à leur empereur.
Le 12, à la pointe du jour, le prince Jean de Lichtenstein, commandant l'armée autrichienne, est venu trouver l'empereur à son quartier-général, établi dans une grange.
Il en a eu une longue audience. Cependant nous poursuivons nos succès, L'ennemi s'est retiré sur le chemin d'Austerliz à Godding. Dans cette retraite il prête le flanc ; l'armée française est déjà sur ses derrières, et le suit l'épée dans les reins.
Jamais champ de bataille ne fut plus horrible. Du milieu de lacs immenses, on entend encore les cris de milliers d'hommes qu'on ne peut secourir. Il faudra trois jours pour que tous les blessés ennemis soient évacués sur Brünn. Le coeur saigne. Puisse tant de sang versé, puissent tant de malheurs retomber enfin sur les perfides insulaires qui en sont la cause ! puissent les lâches oligarques de Londres porter la peine de tant de maux !
Trentième bulletin (bis) de la grande armée.
En ce moment arrive au quartier-général la capitulation envoyée par le maréchal Augereau, du corps d'armée autrichien commandé par le général Jellachich. L'empereur eût préféré que l'on eût gardé les prisonniers en France, cela eût-il dû occasionner quelques jours de blocus de plus ; car l'expérience a prouvé que, renvoyés en Autriche, les soldats servent incontinent après.
Le général de Wrede, commandant les Bavarois, a eu différentes affaires en Bohême contre l'archiduc Ferdinand. Il a fait quelques centaines de prisonniers.
Le prince de Rohan, à la tête d'un corps de six mille hommes qui avait été coupé par le maréchal Ney et par le maréchal Augereau, s'est jeté sur Trente, a passé la gorge de Bonacio, et tenté de pénétrer à Venise. Il a été battu par le général Saint-Cyr, qui l'a fait prisonnier avec ses six mille hommes.
Austerlitz, le 14 frimaire an 14 (4 décembre 1805).
Trente-unième bulletin de la grande armée.
L'empereur est parti hier d'Austerlitz, et est allé à ses avant-postes près de Saruschitz, et s'est là placé à son bivouac. L'empereur d'Allemagne n'a pas tardé à arriver. Ces deux monarques ont eu une entrevue qui a duré deux heures.
L'empereur d'Allemagne n'a pas dissimulé, tant de sa part que de la part de l'empereur de Russie, tout le mépris que leur inspirait la conduite de l'Angleterre. «Ce sont des marchands, a-t-il répété, qui mettent en feu le continent pour s'assurer le commerce du inonde.»
Ces deux princes sont convenus d'un armistice et des principales conditions de la paix, qui sera négociée et terminée sous peu de jours.
L'empereur d'Allemagne a fait également connaître à l'empereur, que l'empereur de Russie demandait à faire sa paix séparée, qu'il abandonnait entièrement les affaires de l'Angleterre, et n'y prenait plus aucun intérêt.
L'empereur d'Allemagne répéta plusieurs fois dans la conversation : «Il n'y a point de doute ; dans sa querelle avec l'Angleterre, la France a raison.» Il demanda aussi une trêve pour les restes de
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