Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
pour lui. Le général Savary avait causé une heure avec l'empereur de Russie, et l'avait trouvé tel que doit être un homme de coeur et de sens, quelques revers d'ailleurs qu'il ait éprouvés. Ce monarque lui demanda des détails sur la journée. Vous étiez inférieurs à moi, lui dit-il, et cependant vous étiez supérieurs sur tous les points d'attaque. Sire, répondit le général Savary, c'est l'art de la guerre et le fruit de quinze ans de gloire ; c'est la quarantième bataille que donne l'empereur.—Cela est vrai ; c'est un grand homme de guerre. Pour moi, c'est la première fois que je vois le feu. Je n'ai jamais eu la prétention de me mesurer avec lui.—Sire, quand vous aurez de l'expérience, vous le surpasserez peut-être.—Je m'en vais donc dans ma capitale.
J'étais venu au secours de l'empereur d'Allemagne ; il m'a fait dire qu'il est content. Je le suis aussi.
A son entrevue avec l'empereur d'Allemagne, l'empereur lui a dit : «M. et Mme Colloredo, MM. Paget et Rasumowki ne font qu'un avec votre ministre Cobentzel : voilà les vraies, causes de la guerre, et si V.M. continue à se livrer à ces intrigans, elle ruinera toutes les affaires et s'aliénera le coeur de ses sujets, elle cependant qui a tant de qualités pour étre heureuse et aimée !»
Un major autrichien s'étant présenté aux avant-postes ; porteur de dépêches de M. Cobentzel pour M. de Stadion à Vienne, l'empereur a dit : «Je ne veux rien de commun avec cet homme qui s'est vendu à l'Angleterre pour payer ses dettes, et qui a ruiné son maître et sa nation, en suivant les conseils de sa soeur et de Mme Colloredo.»
L'empereur fait le plus grand cas du prince Jean de Lichtenstein ; il a dit plusieurs fois ; «Comment, lorsqu'on a des hommes d'aussi grande distinction, laisse-t-on mener ses affaires par des sots et des intrigans ?» Effectivement le prince de Lichtenstein est un des hommes les plus distingués, non seulement par ses talens militaires, mais encore par ses qualités et ses connaissances.
On assure que l'empereur a dit, après sa conférence avec l'empereur d'Allemagne : «Cet homme me fait faire une faute, car j'aurais pu suivre ma victoire, et prendre toute l'armée russe et autrichienne ; mais enfin quelques larmes de moins seront versées.»
Austerlitz, le 15 frimaire an 14 (6 décembre 1805).
Trente-deuxième bulletin de la grande armée.
Le général Friant, à la bataille d'Austerlitz, a eu quatre chevaux tués sous lui. Les colonels Conroux et Demoustier se sont fait remarquer. Les traits de courage sont si nombreux, qu'à mesure que le rapport en est fait à l'empereur, il dit : «Il me faut toute ma puissance pour récompenser dignement tous ces braves gens.»
Les Russes, en combattant, ont l'habitude de mettre leurs havre-sacs bas. Comme toute l'armée russe a été mise en déroute, nos soldats ont pris tous des havre-sacs. On a pris aussi une grande partie de ses bagages, et les soldats y ont trouvé beaucoup d'argent.
Le général Bertrand, qui avait été détaché après la bataille avec un escadron de la garde, a ramassé un grand nombre de prisonniers, dix-neuf pièces de canon et beaucoup de voitures remplies d'effets. Le nombre de pièces de canon prises jusqu'à cette heure, se monte à cent soixante-dix.
L'empereur a témoigné quelque mécontentement de ce qu'on lui eût envoyé des plénipotentiaires la veille de la bataille, et qu'on eût ainsi prostitué le caractère diplomatique. Cela est digne de M. de Cobentzel, que toute la nation regarde comme un des principaux auteurs de tous ces malheurs.
Le prince Jean de Lichtenstein est venu trouver l'empereur au château d'Austerlitz. L'empereur lui a accordé une conférence de plusieurs heures. On remarque que l'empereur cause volontiers avec cet officier général. Ce prince a conclu, avec le maréchal Berthier, un armistice de la teneur suivante :
M. Talleyrand se rend à Nicolsburg, où les négociations vont s'ouvrir.
Armistice conclu entre LL. MM. II. de France et d'Autriche.
S.M. l'empereur des Français et S.M. l'empereur d'Allemagne voulant arriver à des négociations définitives pour mettre fin à la guerre qui désole les deux états, sont convenus au préalable, de commencer par un armistice, lequel aura lieu jusqu'à la conclusion de la pais définitive ou jusqu'à la rupture des négociations ; et dans ce cas, l'armistice ne devra cesser que quinze jours après cette rupture ; et la cessation de
Weitere Kostenlose Bücher