Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
tous les prisonniers de la garde impériale russe et retourner avec eux en Russie. S.M. a exprimé le regret que l'empereur de Russie eût voulu livrer bataille, et a dit que ce monarque, s'il l'avait cru la veille, aurait épargné le sang et l'honneur de son armée.
M. le prince Jean de Lichtenstein est arrivé hier avec de pleins-pouvoirs. Les conférences entre lui et M. de Talleyrand sont en pleine activité.
Le premier aide-de-camp Junot, que S.M. avait envoyé auprès de l'empereur d'Allemagne et de Russie, a vu a Holitz l'empereur d'Allemagne, qui l'a reçu avec beaucoup de grâce et de distinction. Il n'a pu continuer sa mission, parce que l'empereur Alexandre était parti en poste pour Saint-Pétersbourg, ainsi que le général Kutuzow.
S.M. a reçu a Brünn M. d'Haugwitz, et a paru très-satisfaite de tout ce que lui a dit ce plénipotentiaire qu'elle a accueilli, d'une manière d'autant plus distinguée, qu'il s'est toujours défendu de la dépendance de l'Angleterre, et que c'est à ses conseils qu'on doit attribuer la grande considération et la prospérité dont jouit la Prusse. On ne pourrait en dire autant d'un autre ministre qui, né en Hanovre, n'a pas été inaccessible à la pluie d'or. Mais toutes les intrigues ont été et seront impuissantes contre le bon esprit et la haute sagesse du roi de Prusse. Au reste, la nation française ne dépend de personne, et cent cinquante mille ennemis de plus n'auraient fait autre chose que de rendre la guerre plus longue.
La France et la Prusse, dans ces circonstances, ont eu à se louer de M. le duc de Brunswick, de MM. de Mollendorff, de Knobelsdorff, Lombard, et sur-tout du roi lui-même. Les intrigues anglaises ont souvent paru gagner du terrain ; mais, comme, en dernière analyse, on ne pouvait arriver à aucun parti sans aborder de front la question, toutes les intrigues ont échoué devant la volonté du roi. En vérité, ceux qui les conduisaient abusaient étrangement de sa confiance : la Prusse peut-elle avoir un ami plus solide et plus désintéressé que la France ?
La Russie est la seule puissance en Europe qui puisse faire une guerre de fantaisie : après une bataille perdue ou gagnée, les Russes s'en vont : la France, l'Autriche, la Prusse, au contraire, doivent méditer long-temps les résultats de la guerre : une ou deux batailles sont insuffisantes pour en épuiser toutes les chances.
Les paysans de Moravie tuent les Russes partout où ils les rencontrent isolés. Ils en ont déjà massacré une centaine. L'empereur des Français a donné des ordres pour que des patrouilles de cavalerie parcourent les campagnes, et empêchent ces excès. Puisque l'armée ennemie se retire, les Russes qu'elle laisse après elle sont sous la protection du vainqueur. Il est vrai qu'ils ont commis tant de désordres, tant de brigandages, qu'où ne doit pas s'étonner de ces vengeances. Ils maltraitaient les pauvres comme les riches : trois cents coups de bâton leur paraissaient une légère offense. Il n'est point d'attentats qu'ils n'aient commis. Le pillage, l'incendie des villages, le massacre, tels étaient leurs jeux. Ils ont même tué des prêtres jusque sur les autels ! Malheur au souverain qui attirera un tel fléau sur son territoire ! La bataille d'Austerlitz a été une victoire européenne, puisqu'elle a fait tomber le prestige qui semblait s'attacher au nom de ces barbares.
Ce mot ne peut s'appliquer cependant ni a la cour ni au plus grand nombre des officiers, ni aux habitans des villes qui sont au contraire civilisés jusqu'à la corruption.
Brünn, le 20 frimaire an 14 (10 décembre 1805).
Trente-cinquième bulletin de la grande-armée.
L'armée russe s'est mise en marche le 17 frimaire sur trois colonnes, pour retourner en Russie. La première a pris le chemin de Cracovie et Therespol : la seconde, celui de Kaschau, Lemberg et Brody, et la troisième, celui de Cizrnau, Wotrell et Hussiatin. A la tête de la première, est parti l'empereur de Russie avec son frère le grand-duc Constantin.
Indépendamment de l'artillerie de bataille, un parc entier de cent pièces de canon a été pris aux Russes avec tous leurs caissons.
L'empereur est allé voir ce parc ; il a ordonné que toutes les pièces prises fussent transportées en France. Il est sans exemple que, dans une bataille, on ait pris cent cinquante a cent soixante pièces de canon, toutes ayant fait feu et servi dans l'action.
Le chef d'escadron Chaloppin, aide-de-camp du
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