Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
1808.
Dix-huitième bulletin de l'armée d'Espagne.
La junte centrale d'Espagne avait peu de pouvoir. La plupart des provinces lui répondaient à peine ; toutes lui avaient arraché l'administration des finances. Elle était influencée par la dernière classe du peuple ; elle était gouvernée par la minorité ; Florida-Blanca était sans aucun crédit. La junte était soumise à la volonté de deux hommes, l'un nommé Lorenzo-Calvo, marchand épicier de Sarragosse, qui avait gagné en peu de mois le titre d'excellence ; c'était un de ces hommes violens qui paraissent dans les révolutions ; sa probité était plus que suspecte ; l'autre était un nommé Tilly, condamné autrefois aux galères comme voleur, frère cadet du nommé Gusman, qui a joué un rôle sous Robespierre dans le temps de la terreur, et bien digne d'avoir eu pour frère ce misérable. Aussitôt que quelque membre de la junte voulait s'opposer à des mesures violentes, ces deux hommes criaient à la trahison : un rassemblement se formait sous les fenêtres d'Aranjuez, et tout le monde signait. L'extravagance et la méchanceté de ces meneurs se manifestaient de toutes les manières. Aussitôt qu'ils apprirent que l'empereur était à Burgos et que bientôt il serait à Madrid, ils poussèrent le délire jusqu'à faire contre la France une déclaration de guerre remplie d'injures et de traits de folie.
Ce que les honnêtes gens ont à en souffrir de la dernière classe du peuple se concevrait à peine, si chaque nation ne trouvait dans ses annales le souvenir de crises semblables.
Récemment encore trois respectables habitans de Tolède ont été égorgés.
Lorsque le 11, le général de division Lasalle, poursuivant l'ennemi, est arrivé à Talavera de la Reyna, où les Anglais étaient passés en triomphe dix jours auparavant, en annonçant qu'ils allaient secourir la capitale, un spectacle affreux s'est offert aux yeux des Français : un cadavre revêtu de l'uniforme de général espagnol, était suspendu a une potence et percé de mille coups de fusil : c'était le général Bénito San Juan, que ses soldats, dans le désordre de leur terreur panique, et pour donner un prétexte à leur lâcheté, avaient aussi indignement sacrifié.
Ils n'ont repris haleine à Talavera, que pour torturer leur infortuné général, qui pendant tout un jour, a été le but de leur barbarie et de leur adresse atroce.
Talavera de la Reyna est une ville considérable, située sur la belle vallée du Tage et dans un pays très-fertile.
Les évêques de Léon et d'Astorga, et un grand nombre d'ecclésiastiques, se sont distingués par leur bonne conduite et par l'exemple des vertus apostoliques.
Le pardon général accordé par l'empereur et les dispositions qui marquent l'établissement de la nouvelle dynastie par l'anéantissement des maisons des principaux coupables, ont produit un grand effet. La destruction de droits odieux au peuple et contraires à la prospérité de l'état, et la mesure qui ne laisse plus à la classe nombreuse des moines aucune incertitude sur son sort, ont un bon résultat.
L'animadversion générale se dirige contre les Anglais. Les paysans disent dans leur langage, qu'à l'approche des Français, les Anglais sont allés monter sur leurs chevaux de bois.
S. M. a passé hier la revue de plusieurs corps de cavalerie. Elle a nommé commandant de la Légion d'Honneur, le colonel des lanciers polonais Konopka. Le corps que cet officier commande s'est couvert de gloire dans toutes les occasions.
S. M. a témoigné sa satisfaction à la brigade Dijon, pour sa bonne conduite à la bataille de Tudela.
Madrid, 13 décembre 1808.
Dix-neuvième bulletin de l'armée d'Espagne.
La place de Roses s'est rendue le 6 ; deux mille hommes ont été faits prisonniers. On a trouvé dans la place une artillerie considérable ; six vaisseaux de ligne anglais qui étaient mouillés sur la rade, n'ont pu recevoir la garnison à leur bord. Le général Gouvion-Saint-Cyr se loue beaucoup du général de division Pino. Les troupes du royaume d'Italie se sont distinguées pendant le siège.
L'empereur a passé aujourd'hui en revue, au-delà du pont de Ségovie, toutes les troupes réunies du corps du maréchal duc de Dantzick.
La division du général Sébastiani s'est mise en marche pour Talavera de la Reyna.
La division polonaise du général Valence est fort belle.
La dissolution des troupes espagnoles continue de tous côtés ; les nouvelles
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