Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
le trône, et je me ferai une douce tâche de me conduire envers les Espagnols en ami fidèle. La génération pourra varier dans ses opinions ; trop de passions ont été mises en jeu ; mais vos neveux me béniront comme votre régénérateur ; ils placeront au nombre des jours mémorables, ceux où j'ai paru parmi vous ; et, de ces jours, datera la prospérité de l'Espagne.
Voilà, M. le corregidor, ma pensée tout entière.
Consultez vos concitoyens et voyez le parti que vous avez à prendre ; mais quel qu'il soit, prenez-le franchement et ne me montrez que des dispositions vraies.
Valderad, 28 décembre 1808.
Vingt-unième bulletin de l'armée d'Espagne.
Les Anglais sont entrés en Espagne le 29 octobre.
Ils ont vu dans les mois de novembre et de décembre, détruire l'armée de Galice à Espinosa, celle d'Estramadure à Burgos, celle d'Aragon et de Valence à Tudela, celle de réserve à Somo-Sierra ; enfin, ils ont vu prendre Madrid, sans faire aucun mouvement et sans secourir aucune des armées espagnoles, pour lesquelles une division de troupes anglaises eût été cependant un secours considérable.
Dans les premiers jours du mois de décembre, on apprit que les colonnes de l'armée anglaise étaient en retraite, et se dirigeaient vers la Corogne, où elles devaient se rembarquer. De nouvelles informations firent ensuite connaître qu'elles s'étaient arrêtées, et que le 16 elles étaient parties de Salamanque, pour entrer en campagne. Dès le 15, la cavalerie légère avait paru à Valladolid. Toute l'armée anglaise passa le Duero, et arriva le 23 devant le duc de Dalmatie à Saldagua.
Aussitôt que l'empereur fut instruit à Madrid de cette résolution inespérée des Anglais, il marcha pour leur couper la retraite et se porter sur leurs derrières ; mais quelque diligence que fissent les troupes françaises, le passage de la montagne de Guadarama, qui était couverte de neige, les pluies continuelles et le débordement des torrens, retardèrent leur marche de deux jours.
Le 22, l'empereur était parti de Madrid ; son quartier-général était le 23 à Villa-Castin, le 25 à Tordesillas, et le 27 a Médina del Rio-Secco.
Le 21, à la pointe du jour, l'ennemi s'était mis en marche pour déborder la gauche du duc de Dalmatie ; mais dans la matinée ayant appris le mouvement qui se faisait de Madrid, il se mit sur-le-champ en retraite, abandonnant ceux de ses partisans du pays dont il avait réveillé les passions, les restes de l'armée de Galice, qui avaient conçu de nouvelles espérances, une partie de ses hôpitaux et de ses bagages, et un grand nombre de traînards. Cette armée a été dans un péril imminent ; douze heures de différence, elle était perdue pour l'Angleterre.
Elle a commis beaucoup de ravages, résultat inévitable des marches forcées de troupes en retraite ; elle a enlevé les couvertures, les mules, les mulets et beaucoup d'autres effets ; elle a pillé un grand nombre d'églises et de couvens. L'abbaye de Sahagun, qui contenait soixante religieux et qui avait toujours été respectée par l'armée française, a été ravagée par les Anglais ; partout les moines et les prêtres ont fui à leur approche. Ces désordres ont exaspéré le pays contre les Anglais : la différence de la langue, des moeurs et de la religion, n'a pas peu contribué à cette disposition des esprits ; ils reprochent aux Espagnols de n'avoir plus d'armée à joindre à la leur, et d'avoir trompé le gouvernement anglais ; les Espagnols leur répondent, que l'Espagne a eu des armées nombreuses, mais que les Anglais les ont laissé détruire sans faire aucun effort pour les secourir.
Dans les quinze jours qui viennent de s'écouler, on n'a pas tiré un coup de fusil ; la cavalerie légère a seulement donné quelques coups de sabre.
Le général Durosnel, avec quatre cents chevau-légers de la garde, donna, à la nuit tombante, dans une colonne d'infanterie anglaise, en marche, sabra un grand nombre d'hommes, et jeta le désordre dans la colonne.
Le général Lefebvre-Desnouettes, colonel des chasseurs de la garde, détaché depuis deux jours du quartier-général, avec trois escadrons de son régiment, ayant pris beaucoup de bagages, de femmes, de traînards, et trouvant le pont de l'Ezla coupé, crut la ville de Bénavente évacuée ; emporté par cette ardeur qu'on a si souvent reprochée au soldat français, il passa la rivière à la nage pour se porter sur Bénavente, où
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