Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
chevau-légers polonais huit décorations pour les officiers, et un pareil nombre pour les soldats.
Le duc de l'Infantado a été une des premières causes des malheurs que son pays a éprouvés ; il fut le principal instrument de l'Angleterre dans ses funestes projets contre l'Espagne ; c'est lui qu'elle employa pour diviser le père et le fils, pour renverser du trône le roi Charles, dont l'attachement pour la France était connu ; pour susciter des orages populaires contre le premier ministre de ce souverain ; pour élever à la puissance suprême ce jeune prince, qui, dans son mariage avec une princesse de l'ancienne maison de Naples, avait puisé cette haine contre les Français dont cette maison ne s'est jamais départie. Ce fut le duc de l'Infantado qui joua le premier rôle dans la conspiration de l'Escurial, et c'est à lui que fut alors confié le pouvoir de généralissime des armées d'Espagne. On le vit ensuite prêter serment à Baïonne entre les mains du roi Joseph comme colonel des gardes espagnoles.
De retour à Madrid, on le vit jeter le masque et se montrer ouvertement l'homme des Anglais. C'est chez lui que logeaient les ministres de l'Angleterre ; c'est dans sa société que vivaient les agens accrédités ou secrets de cette puissance. Après avoir excité ses concitoyens à une résistance insensée, on l'a vu, aussi lâche que traître, s'enfuir de Madrid à Guadalaxara, sous le prétexte d'aller chercher du secours, se soustraire par cette ruse aux périls dans lesquels il avait entraîné ses concitoyens, et ne montrer quelque sollicitude que pour l'agent anglais, qu'il emmena dans sa propre voiture et auquel il servit d'escorte. Que lui vaudra cette conduite ? Il perdra ses titres, il perdra ses biens, qu'on évalue à deux millions de rentes, et il ira chercher à Londres les mépris, les dédains et l'oubli dont l'Angleterre a toujours payé les hommes qui ont sacrifié leur honneur et leur patrie à l'injustice de sa cause.
Aussitôt que le rapport du chef d'escadron comte Lubienski fut connu, le duc d'Istrie se mit en marche avec seize escadrons de cavalerie pour observer l'ennemi. Le duc de Bellune suivit avec l'infanterie. Le duc d'Istrie, arrivé à Guadalaxara, y trouva l'arrière-garde ennemie qui filait sur l'Andalousie, la culbuta et lui fit cinq cents prisonniers. Le général de division Ruffin et la brigade de dragons Bordesoult informés que des ennemis se dirigeaient sur Aranjuez, se sont portés sur ce point ; l'ennemi en a été chassé, et ces troupes se sont mises aussitôt à la poursuite de tout ce qui fuit vers l'Andalousie.
Le général de division Lahoussaye est entré le 5 à l'Escurial. Cinq à six cents paysans voulaient défendre le couvent, ils en ont été chassés de vive force.
Chaque jour les restes de la stupeur dans laquelle étaient tombés les habitans de Madrid, se dissipent.
Ceux qui avaient caché leurs meubles et leurs effets précieux les rapportent dans leurs maisons. Les boutiques se garnissent comme à l'ordinaire ; les barricades et tous autres apprêts de défense ont disparu. L'occupation de Madrid s'est faite sans désordre, et la tranquillité règne dans toutes les parties de cette grande ville. Un fusilier de la garde ayant été trouvé saisi de plusieurs montres, et ayant été convaincu de les avoir volées, a été fusillé sur la principale place de Madrid.
On a trouvé dans cette ville deux cents milliers de poudre, dix mille boulets, deux millions de plomb, cent pièces de canon de campagne et cent vingt mille fusils, la plupart anglais. Le désarmement continue sans aucune difficulté ; tous les habitans s'y prêtent avec la meilleure volonté ; ils reviennent avec empressement et de bonne foi à l'autorité royale qui les soustrait à la malfaisance de l'Angleterre, à la violence des factions et aux désordres des mouvemens populaires.
Le roi d'Espagne a créé un régiment qui porte le nom de royal-étranger, et dans lequel sont admis les déserteurs et les Allemands qui étaient au service d'Espagne. Il a aussi formé un régiment suisse de Réding le jeune : cet officier s'étant comporté parfaitement et en véritable patriote suisse ; bien différent en cela du général Réding ; l'un a bien mérité de ses compatriotes, et obtiendra partout l'estime ; l'autre, généralement méprisé, ira dans les tavernes de Londres jouir d'une centaine de livres sterling mal acquises et payées avec dédain ; il sera
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