Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
proclamée. La pelisse et l'épée avaient été envoyées au grand-visir. Vingt-huit régimens de janissaires étaient partis de Constantinople. Plusieurs autres passaient d'Asie en Europe.
L'ambassadeur de Russie, toutes les personnes de sa légation, tous les Russes qui se trouvaient dans cette résidence ; et tous les Grecs attachés à leur parti, au nombre de sept à huit cents, avaient quitté Constantinople le 29.
Le ministre d'Angleterre et les deux vaisseaux anglais restaient spectateurs des événemens, et paraissaient attendre les ordres du gouvernement.
Le Tartare était passé à Widdin le 15 janvier.
Il avait trouvé les routes couvertes de troupes qui marchaient avec gaîté contre leur éternel ennemi. Soixante mille hommes étaient déjà à Rodschuk, et vingt-cinq mille hommes d'avant-garde se trouvaient entre cette ville et Bucharest. Les Russes s'étaient arrêtés à Bucharest, qu'ils avaient fait occuper par une avant-garde de quinze mille hommes.
Le prince Suzzo a été déclaré hospodar de Valachie. Le prince Ipsilanti a été proclamé traître, et l'on a mis sa tête à prix.
Le Tartare a rencontré l'ambassadeur persan à moitié chemin de Constantinople à Widdin, et l'ambassadeur extraordinaire de la Porte, au-delà de cette dernière ville.
Les victoires de Pultusk et Golymin étaient déjà connues dans l'empire ottoman. Le courrier tartare en a entendu le récit de la bouche des Turcs avant d'arriver à Widdin.
Le froid se soutient entre deux et trois degrés au-dessous de zéro. C'est le temps le plus favorable pour l'armée.
Message au sénat conservateur.
«Sénateurs,
Nous avons ordonné à notre ministre des relations extérieures de vous communiquer les traités que nous avons faits avec le roi de Saxe et avec les différens princes souverains de cette maison.
«La nation saxonne avait perdu son indépendance le 14 octobre 1755 ; elle l'a recouvrée le 14 octobre 1806. Après cinquante années, la Saxe, garantie par le traité de Posen, a cessé d'être province prussienne.
«Le duc de Saxe-Weimar, sans déclaration préalable, a embrassé la cause de nos ennemis.
Son sort devait servir de règle aux petits princes qui, sans être liés par des lois fondamentales, se mêlent des querelles des grandes nations ; mais nous avons cédé au désir de voir notre réconciliation avec la maison de Saxe entière et sans mélange.
«Le prince de Saxe-Cobourg est mort. Son fils se trouvant dans le camp de nos ennemis, nous avons fait mettre le séquestre sur sa principauté.
«Nous avons aussi ordonné que le rapport de notre ministre des relations extérieures, sur les dangers de la Porte-Ottomane, fût mis sous vos yeux. Témoin, dès les premiers temps de notre jeunesse, de tous les maux que produit la guerre, notre bonheur, notre gloire, notre ambition, nous les avons placés dans les conquêtes et les travaux de la paix. Mais la force des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons mérite notre principale sollicitude. Il a fallu quinze ans de victoires pour donner à la France des équivalens de ce partage de la Pologne, qu'une seule campagne, faite en 1778 aurait empêché.
«Eh ! qui pourrait calculer la durée des guerres, le nombre de compagnes qu'il faudrait faire un jour pour réparer des malheurs qui résulteraient de la perte de l'empire de Constantinople, si l'amour d'un lâche repos et des délices de la grande ville l'emportait sur les conseils d'une sage prévoyance ? Nous laisserions à nos neveux un long héritage de guerres et de malheurs. La tiare grecque relevée et triomphante, depuis la Baltique jusqu'à la Méditerranée, on verrait de nos jours nos provinces attaquées par une nuée de fanatiques et de barbares ; et si dans cette lutte trop tardive, l'Europe civilisée venait à périr, notre coupable indifférence exciterait justement les plaintes de la postérité, et serait un titre d'opprobre dans l'histoire.
«L'empereur de Perse, tourmenté dans l'intérieur de ses états comme le fut pendant soixante ans la Pologne, comme l'est depuis vingt ans la Turquie par la politique du cabinet de Pétersbourg, et animé des mêmes sentimens que la Porte, a pris les mêmes résolutions, et marche en personne sur le Caucase pour défendre ses frontières.
«Mais déjà l'ambition de nos ennemis a été confondue, leur armée a été défaite à Pultusk et à Golymin, et leurs bataillons épouvantés fuient au loin à l'aspect de nos aigles.
«Dans de
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