Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
l'ennemi avait à traverser, si elle y était parvenue avant qu'il eût pu mettre ses hôpitaux et ses détachemens isolés à l'abri de toute insulte.
Ces relations, aussi évidemment ridicules, peuvent avoir encore pour les Russes l'avantage de retarder de quelques jours l'élan que des récits fidèles donneraient aux Turcs, et il est des circonstances où quelques jours sont un délai d'une certaine importance. Cependant l'expérience a prouvé que toutes ces ruses vont contre leur but, et qu'en toutes choses la simplicité et la vérité sont les meilleurs moyens de politique.
Varsovie, le 19 janvier 1807.
Cinquante-deuxième bulletin de la grande armée.
Le huitième corps de la grande armée, que commande le maréchal Mortier, a détaché un bataillon du deuxième régiment d'infanterie légère sur Wollin. Trois compagnies de ce bataillon y étaient à peine arrivées, qu'elles furent attaquées avant le jour par un détachement de mille hommes d'infanterie, avec cent cinquante chevaux et quatre pièces de canon. Ce détachement venait de Colberg, dont la garnison étend ses courses jusque-là. Les trois compagnies d'infanterie légère française ne s'étonnèrent point du nombre de leurs ennemis et lui enlevèrent un pont et ses quatre pièces de canon, et lui firent cent prisonniers ; le reste prit la fuite, en laissant beaucoup de morts dans la ville de Wollin, dont les rues sont jonchées de cadavres prussiens.
La ville de Brieg, en Silésie, s'est rendue après un siége de cinq jours. La garnison est composée de trois généraux et de quatorze cents hommes.
Le prince héréditaire de Bade a été dangereusement malade, mais il est rétabli. Les fatigues de la campagne, et les privations qu'il a supportées comme simple officier, ont beaucoup contribué à sa maladie.
La Pologne, riche en blé, en avoine, en fourrages, en bestiaux, en pommes de terre, fournit abondamment à nos magasins. La seule manutention de Varsovie fait cent mille rations par jour, et nos dépôts se remplissent de biscuit. Tout était tellement désorganisé à notre arrivée, que pendant quelque temps les subsistances ont été difficiles.
Il ne règne dans l'armée aucune maladie ; cependant, pour la conservation de la santé du soldat, on désirerait un peu plus de froid.
Jusqu'à présent, il s'est à peine fait sentir, et l'hiver est déjà fort avancé. Sous ce point de vue, l'année est fort extraordinaire.
L'empereur fait tous les jours défiler la parade devant le palais de Varsovie, et passe successivement en revue les différens corps de l'armée, ainsi que les détachemens et les conscrits venant de France, auxquels les magasins de Varsovie distribuent des souliers et des capottes.
Varsovie, le 22 janvier 1807.
Cinquante-troisième bulletin de la grande armée.
On a trouvé à Brieg (qui vient de capituler) des magasins assez considérables de subsistances.
Le prince Jérôme continue avec activité sa campagne de Silésie. Le lieutenant-général Deroi avait déjà cerné Kosel et ouvert la tranchée. Le siège de Schweidnitz et celui de Neisse se poursuivent en même temps.
Le général Victor se rendant à Stettin, et étant en voiture avec son aide-de-camp et un domestique, a été enlevé par un parti de vingt-cinq hussards qui battaient le pays.
Le temps est devenu froid. Il est probable que sous peu de jours les rivières seront gelées ; cependant la saison n'est pas plus rigoureuse qu'elle ne l'est ordinairement à Paris. L'empereur fait défiler tous les jours la parade et passe en revue plusieurs régimens.
Tous les magasins de l'armée s'organisent et s'approvisionnent. On fait du biscuit dans toutes les manutentions. L'empereur vient d'ordonner qu'on établît de grands magasins et qu'on confectionnât une quantité considérable d'habillemens dans la Silésie.
Les Anglais, qui ne peuvent plus faire accroire que les Russes, les Tartares, les Calmoucks vont dévorer l'armée, française, parce que, même dans les cafés de Londres, on sait que ces dignes alliés ne soutiennent point l'aspect de nos baïonnettes, appellent aujourd'hui à leur secours la dysenterie, la peste et toutes les maladies épidémiques.
Si ces fléaux étaient à la disposition du cabinet de Londres, point de doute que non-seulement notre armée, mais même nos provinces et toute la classe manufacturière du continent, ne devinssent leur proie.
En attendant, les Anglais se contentent de publier et de faire publier, sous
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