Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
Toula renferme la plus grande fabrique d'armes qu'ait la Russie. Notre avant-garde est sur la Pakra.
L'empereur est logé au palais impérial du Kremlin. On a trouvé au Kremlin plusieurs ornemens servant au sacre des empereurs, et tous les drapeaux pris aux Turcs depuis cent ans.
Le temps est à peu près comme à la fin d'octobre à Paris. Il pleut un peu, et l'on a eu quelques gelées blanches. On assure que la Moskwa et les rivières du pays ne gèlent point avant la mi-novembre.
La plus grande partie de l'armée est cantonnée à Moscou, où elle se remet de ses fatigues.
Moscou, 9 octobre 1812.
Vingt-troisième bulletin de la grande armée.
L'avant-garde, commandée par le roi de Naples, est sur la Nara, à vingt lieues de Moscou. L'armée ennemie est sur Kalouga. Des escarmouches ont lieu tous les jours. Le roi de Naples a eu dans toutes l'avantage, et a toujours chassé l'ennemi de ses positions.
Les cosaques rôdent sur nos flancs. Une patrouille de cent cinquante dragons de la garde, commandée par le major Marthod, est tombée dans une embuscade de cosaques, entre le chemin de Moscou et de Kalouga. Les dragons en ont sabré trois cents, se sont fait jour, mais ils ont en vingt hommes restés sur le champ de bataille, qui ont été pris, parmi lesquels le major, blessé grièvement.
Le duc d'Elchingen est à Boghorodock ; l'avant-garde du vice-roi est à Troitsa, sur la route de Dmitrow.
Les drapeaux pris par les Russes sur les Turcs dans différentes guerres, et plusieurs choses curieuses trouvées dans la Kremlin, sont partis pour Paris. On a trouvé une madone enrichie de diamans ; on l'a aussi envoyée à Paris.
Il paraît que Rostopchin est aliéné. A Voronovo, il a mis le feu à son château, et a laissé l'écrit suivant attaché à un poteau :
«J'ai embelli pendant huit ans cette campagne, et j'y ai vécu heureux au sein de ma famille. Les habitans de cette terre, au nombre de dix-sept cent vingt, la quittent à votre approche, et moi je mets le feu à ma maison pour qu'elle ne soit pas souillée par votre présence.—Français, je vous ai abandonné mes deux maisons de Moscou avec un mobilier d'un demi-million de roubles.—Ici, vous ne trouverez que des cendres.»
Signé comte FEDOR ROSTOPCHIN.
Le palais du prince Kurakin est un de ceux qu'on est parvenu à sauver de l'incendie. Le général comte Nansouty y est logé.
On est parvenu avec beaucoup de peine à tirer des hôpitaux et des maisons incendiées une partie des malades russes. Il reste encore environ quatre mille de ces malheureux. Le nombre de ceux qui ont péri dans l'incendie est extrêmement considérable.
Il a fait depuis huit jours, du soleil, et plus chaud qu'à Paris dans cette saison. On ne s'aperçoit pas qu'on soit dans le Nord.
Le duc de Reggio, qui est à Wilna, est entièrement rétabli.
Le général en chef ennemi Bagration est mort des blessures qu'il a reçues à la bataille de la Moskwa.
L'armée russe désavoue l'incendie de Moscou. Les auteurs de cet attentat sont en horreur aux Russes. Ils regardent Rostopchin comme une espèce de Marat. Il a pu se consoler dans la société du commissaire anglais Wilson.
L'état-major fait imprimer les détails du combat de Smolensk et de la bataille de la Moskwa, et fera connaître ceux qui se sont distingués.
On vient d'armer le Kremlin de cinquante pièces de canon, et l'on a construit des flèches à tous les rentrans. Il forme une forteresse. Les fours et les magasins y sont établis.
Moscou, 14 octobre 1812.
Vingt-quatrième bulletin de la grande armée.
Le général baron Delzons s'est porté sur Dmitrow. Le roi de Naples est à l'avant-garde sur la Nara, en présence de l'ennemi, qui est occupé à refaire son armée, en la complétant par des milices.
Le temps est encore beau. La première neige est tombée hier. Dans vingt jours il faudra être en quartiers d'hiver.
Les forces que la Russie avait en Moldavie ont rejoint le général Tormazow. Celles de Finlande ont débarqué à Riga. Elles sont sorties et ont attaqué le dixième corps. Elles ont été battues ; trois mille hommes ont été faits prisonniers. On n'a pas encore la relation officielle de ce brillant combat, qui fait tant d'honneur au général d'Yorck.
Tous nos blessés sont évacués sur Smolensk, Minsk et Mohilow. Un grand nombre sont rétablis et ont rejoint leurs corps.
Beaucoup de correspondances particulières entre Saint-Pétersbourg et Moscou font bien connaître la situation de cet
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