Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
empire. Le projet d'incendier Moscou ayant été tenu secret, la plupart des seigneurs et des particuliers n'avaient rien enlevé.
Les ingénieurs ont levé le plan de la ville, en marquant les maisons qui ont été sauvées de l'incendie. Il résulte que l'on n'est parvenu à sauver du feu que la dixième partie de la ville. Les neuf-dixièmes n'existent plus.
A Noilskoë, le 20 octobre 1812.
Vingt-cinquième bulletin de la grande armée.
Tous les malades qui étaient aux hôpitaux de Moscou, ont été évacués dans les journées du 15, du 16, du 17 et du 18 sur Mojaïsk et Smolensk. Les caissons d'artillerie, les munitions prises, et une grande quantité de choses curieuses, et des trophées, ont été emballés et sont partis le 15. L'armée a reçu l'ordre de faire du biscuit pour vingt jours, et de se tenir prête à partir ; effectivement, l'empereur a quitté Moscou le 19. Le quartier-général était le même jour à Desna.
D'un côté, on a armé le Kremlin et on l'a fortifié : dans le même temps, on l'a miné pour le faire sauter. Les uns croient que l'empereur veut marcher sur Toula et Kalouga pour passer l'hiver dans ces provinces, en occupant Moscou par une garnison dans le Kremlin.
Les autres croient que l'empereur fera sauter le Kremlin et brûler les établissemens publics qui restent, et qu'il se rapprochera de cent lieues de la Pologne, pour établir ses quartiers d'hiver dans un pays ami, et être à portée de recevoir tout ce qui existe dans les magasins de Dantzick, de Kowno, de Wilna et Minsk, pour se rétablir des fatigues de la guerre : ceux-ci font l'observation que Moscou est éloigné de Pétersbourg de cent quatre-vingt lieues de mauvaise route, tandis qu'il n'y a de Witepsk à Pétersbourg que cent trente lieues ; qu'il y a de Moscou à Kiow deux cent dix-huit lieues, tandis qu'il n'y a de Smolensk à Kiow que cent douze lieues, d'où l'on conclut que Moscou n'est pas une position militaire ; or, Moscou n'a plus d'importance politique, puisque cette ville est brûlée et ruinée pour cent ans.
L'ennemi montre beaucoup de cosaques qui inquiètent la cavalerie : l'avant-garde de la cavalerie, placée en avant de Vinkovo, a été surprise par une horde de ces cosaques ; ils étaient dans le camp avant qu'on pût être à cheval.
Ils ont pris un parc du général Sébastiani de cent voitures de bagages, et fait une centaine de prisonniers. Le roi de Naples est monté à cheval avec les cuirassiers et les carabiniers, et apercevant une colonne d'infanterie légère de quatre bataillons, que l'ennemi envoyait pour appuyer les cosaques, il l'a chargée, rompue et taillée en pièces. Le général Dery, aide-de-camp du roi, officier brave, a été tué dans cette charge, qui honore les carabiniers.
Le vice-roi est arrivé à Fominskoë. Toute l'armée est en marche.
Le maréchal duc de Trévise est resté à Moscou avec une garnison.
Le temps est très-beau, comme en France en octobre, peut-être un peu plus chaud. Mais dans les premiers jours de novembre on aura des froids. Tout indique qu'il faut songer aux quartiers d'hiver. Notre cavalerie, surtout, en a besoin. L'infanterie s'est remise à Moscou, et elle est très-bien portante.
Borowsk, 23 octobre 1812.
Vingt-sixième bulletin de la grande armée.
Après la bataille de la Moskwa, le général Kutusow prit position à une lieue en avant de Moscou ; il avait établi plusieurs redoutes pour défendre la ville ; il s'y tint, espérant sans doute en imposer jusqu'au dernier moment. Le 14 septembre, ayant vu l'armée française marcher à lui, il prit son parti, et évacua la position en passant par Moscou. Il traversa cette ville avec son quartier-général à neuf heures du matin. Notre avant-garde la traversa à une heure après midi.
Le commandant de l'arrière-garde russe fit demander qu'on le laissât défiler dans la ville sans tirer : on y consentit ; mais au Kremlin, la canaille armée par le gouverneur, fit résistance et fut sur-le-champ dispersée. Dix mille soldats russes furent, le lendemain et les jours suivans, ramassés dans la ville, où ils s'étaient éparpillés par l'appât du pillage : c'étaient d'anciens et bons soldats ; ils ont augmenté le nombre des prisonniers.
Les 15, 16 et 17 septembre, le général d'arrière-garde russe dit que l'on ne tirerait plus, et que l'on ne devait plus se battre, et parla beaucoup de paix. Il se porta sur la route de Kolomna, et notre avant-garde se plaça à cinq
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