Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
viennent mourir au pied de ces parapets qu'ils avaient élevés les jours précédens avec tant de soin, et comme des abris protecteurs.
Le roi de Naples, avec la cavalerie, fit diverses charges. Le duc d'Elchingen se couvrit de gloire, et montra autant d'intrépidité que de sang-froid. L'empereur ordonne une charge de front, la droite en avant : ce mouvement nous rend maîtres des trois parts du champ de bataille. Le prince Poniatowski se bat dans le bois avec des succès variés.
Il restait à l'ennemi ses redoutes de droite ; le général comte Morand y marche et les enlève ; mais à neuf heures du matin, attaqué de tous côtés, il ne peut s'y maintenir. L'ennemi, encouragé par ce succès, fit avancer sa réserve et ses dernières troupes pour tenter encore la fortune. La garde impériale en fait partie. Il attaque notre centre sur lequel avait pivoté notre droite. On craint pendant un moment qu'il n'enlève le village brûlé ; la division Priant s'y porte ; quatre vingt pièces de canon françaises arrêtent d'abord et écrasent ensuite les colonnes ennemies qui se tiennent pendant deux heures serrées sous la mitraille, n'osant pas avancer, ne voulant pas reculer, et renonçant à l'espoir de la victoire. Le roi de Naples décide leur incertitude ; il fait charger le quatrième corps de cavalerie qui pénètre par les brèches que la mitraille de nos canons a faites dans les masses serrées des Russes et les escadrons de leurs cuirassiers ; ils se débandent de tous côtés. Le général de division comte Caulaincourt, gouverneur des pages de l'empereur, se porte à la tête du cinquième de cuirassiers, culbute tout, entre dans la redoute de gauche par la gorge.
Dès ce moment, plus d'incertitude, la bataille est gagnée : il tourne contre les ennemis les vingt-une pièces de canon qui se trouvent dans la redoute. Le comte Caulaincourt qui venait de se distinguer par cette belle charge, avait terminé ses destinées ; il tombe mort frappé par un boulet : mort glorieuse et digne d'envie !
Il est deux heures après midi, toute espérance abandonne l'ennemi : la bataille est finie, la canonnade continue encore ; il se bat pour sa retraite et pour son salut, mais non plus pour la victoire.
La perte de l'ennemi est énorme : douze à treize mille hommes et huit à neuf mille chevaux russes ont été comptés sur le champ de bataille ; soixante pièces de canon et cinq mille prisonniers sont restés en notre pouvoir.
Nous avons eu deux mille cinq cents hommes tués et le triple de blessés. Notre perte totale peut être évaluée à dix mille hommes : celle de l'ennemi à quarante ou cinquante mille. Jamais on n'a vu pareil champ de bataille. Sur six cadavres, il y en avait un français et cinq russes. Quarante généraux russes ont été tués, blessés ou pris : le général Bagration a été blessé.
Nous avons perdu le général de division comte Montbrun, tué d'un coup de canon ; le général comte Caulaincourt, qui avait été envoyé pour le remplacer, tué d'un même coup une heure après.
Les généraux de brigade Compère, Plauzonne, Marion, Huart, ont été tués ; sept ou huit généraux ont été blessés, la plupart légèrement. Le prince d'Eckmühl n'a eu aucun mal. Les troupes françaises se sont couvertes de gloire et ont montré leur grande supériorité sur les troupes russes.
Telle est en peu de mots l'esquisse de la bataille de la Moskwa, donnée à deux lieues en arrière de Mojaïsk et à vingt-cinq lieues de Moscou, près de la petite rivière de la Moskwa.
Nous avons tiré soixante mille coups de canon, qui sont déjà remplacés par l'arrivée de huit cents voitures d'artillerie qui avaient dépassé Smolensk avant la bataille. Tous les bois et les villages, depuis le champ de bataille jusqu'ici, sont couverts de morts et de blessés. On a trouvé ici deux mille morts ou amputés russes. Plusieurs généraux et colonels sont prisonniers.
L'empereur n'a jamais été exposé ; la garde, ni à pied, ni à cheval, n'a pas donné et n'a pas perdu un seul homme. La victoire n'a jamais été incertaine. Si l'ennemi, forcé dans ses positions, n'avait pas voulu les reprendre, notre perte aurait été plus forte que la sienne ; mais il a détruit son armée en la tenant depuis huit heures jusqu'à deux sous le feu de nos batteries, et en s'opiniâtrant à reprendre ce qu'il avait perdu. C'est la cause de son immense perte.
Tout le monde s'est distingué : le roi de
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