Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
vinrent caracoler autour des carrés du duc de Bellune.
Le roi de Naples marcha avec les cuirassiers de Latour-Maubourg, et chargea la cavalerie ennemie par la gauche de Wachau, dans le temps que la cavalerie polonaise et les dragons de la garde, commandés par le général Letort, chargeaient par la droite. La cavalerie ennemie fut défaite ; deux régimens entiers restèrent sur le champ de bataille. Le général Letort fit trois cents prisonniers russes et autrichiens. Le général Latour-Maubourg prit quelques centaines d'hommes de la garde russe.
L'empereur fit sur-le-champ avancer la division Curial de la garde, pour renforcer le prince Poniatowski.
Le général Curial se porta au village de Doelitz, l'attaqua à la baïonnette, le prit sans coup férir, et fit douze cents prisonniers, parmi lesquels s'est trouvé le général en chef Merfeld.
Les affaires ainsi rétablis à notre droite, l'ennemi se mit en retraite, et le champ de bataille ne nous fut pas disputé.
Les pièces de la réserve de la garde, que commandait le général Drouot, étaient avec les tirailleurs ; la cavalerie ennemi vint les charger. Les canonniers rangèrent en carré leurs pièces, qu'ils avaient eu la précaution de charger à mitraille, et tirèrent avec tant d'agilité, qu'en un instant l'ennemi fut repoussé. Sur ces entrefaites, la cavalerie française s'avança pour soutenir ces batteries.
Le général Maison, commandant une division du cinquième corps, officier de la plus grande distinction, fut blessé. Le général Latour-Maubourg, commandant la cavalerie, eut la cuisse emportée d'un boulet. Notre perte, dans cette journée, a été de deux mille cinq cents hommes, tant tués que blessés. Ce n'est pas exagérer que de porter celle de l'ennemi à vingt-cinq mille hommes.
On ne saurait trop faire l'éloge de la conduite du comte Lauriston et du prince Poniatowski dans cette journée. Pour donner à ce dernier une preuve de sa satisfaction, l'empereur l'a nommé sur le champ de bataille maréchal de France, et a accordé un grand nombre de décorations aux régimens de son corps.
Le général Bertrand était en même temps attaqué au village de Lindenau par les généraux Giulay, Thielmann et Liechtenstein. On déploya de part et d'autre une cinquantaine de pièces de canon. Le combat dura six heures, sans que l'ennemi pût gagner un pouce de terrain.
A cinq heures du soir, le général Bertrand décida la victoire en faisant une charge avec sa réserve, et non-seulement il rendit vains les projets de l'ennemi, qui voulait s'emparer des ponts de Lindenau et des faubourgs de Leipsick, mais encore il le contraignit à évacuer son champ de bataille.
Sur la droite de la Partha, à une lieue de Leipsick, et à peu près à quatre lieues du champ de bataille, où se trouvait l'empereur, le duc de Raguse fut engagé. Par une de ces circonstances fatales, qui influent souvent sur les affaires les plus importantes, le troisième corps, qui devait soutenir le duc de Raguse, n'entendant rien de ce côté, à dix heures du matin, et entendant au contraire une effroyable canonnade du côté où se trouvait l'empereur, crut bien faire de s'y porter, et perdit ainsi sa journée on marches. Le duc de Raguse, livré à ses propres forces, défendit Leipsick et soutint sa position pendant toute la journée, mais il éprouva des pertes qui n'ont point été compensées par celles qu'il a fait éprouver à l'ennemi, quelque grandes qu'elles fussent. Des bataillons de canonniers de la marine se sont faiblement comportés. Les généraux Compans et Frederichs ont été blessés. Le soir, le duc de Raguse, légèrement blessé lui-même, a été obligé de resserrer sa position sur la Partha. Il a dû abandonner dans ce mouvement plusieurs pièces démontées et plusieurs voitures.
Le 24 octobre 1813.
A S. M. l'impératrice-reine et régente.
La bataille de Wachau avait déconcerté tous les projets de l'ennemi ; mais son armée était tellement nombreuse, qu'il avait encore des ressources. Il rappela en toute hâte, dans la nuit, les corps qu'il avait laissés sur sa ligne d'opération et les divisions restées sur la Saale ; et il pressa la marche du général Benigsen, gui arrivait avec quarante mille hommes.
Après le mouvement de retraite qu'il avait fait le 16 au soir et pendant la nuit, l'ennemi occupa une belle position à deux lieues en arrière. Il fallut employer la journée du 17 à le reconnaître et à bien déterminer le
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